Loin de la canicule de la ville et de la bousculade des plages, la station climatique de Chréa, dans la wilaya de Blida, offre, malgré tous les manques, un havre de fraîcheur à des milliers de visiteurs. Le mercure affiche près de 42° au bord de la mer. La côte algéroise est bondée de monde en ce vendredi. Fuyant ces flots d'aoûtiens, plusieurs familles préfèrent une autre destination moins bruyante, qui donne une nouvelle notion au mot fraîcheur : la station climatique de Chréa. Malgré tous les manques, cette dulcinée des cimes est verdoyante, pétillante et refuse de brandir le drapeau blanc devant la main inhumaine et le manque d'infrastructures touristiques. Une richesse en hibernation Dès les premiers mètres franchis sur la RN37, reliant la wilaya de Blida à Chréa, la chaleur s'atténue. Le mercure baisse les armes devant la splendeur des chênes, des cèdres et des pins d'Alep ; à 1500 mètres d'altitude, il affiche 22°. Sur le chemin de Chréa, des fruits fraîchement cueillis, principalement des figues, sont vendus par des jeunes agriculteurs qui refusent de quitter leurs terres. Avec leur teint brun et leur sourire accueillants, ils sont l'escale inévitable des visiteurs de Chréa. En raison de l'absence de moyens de transport en commun et de l'interruption du téléphérique, leur nombre a nettement chuté. Seulement, malgré cela, le centre de Chréa grouille de monde. Une aubaine pour les petits commerces qui ne travaillent qu'en ces jours de week-end. Venus pique-niquer et faire des barbecues, des familles sont installées dans les aires timidement aménagés et profitent de moments de joie avec leurs enfants. «A cause de mon déplacement à l'étranger, je ne suis pas venus à Chréa depuis trois ans. Durant cette longue période, rien n'a changé ici, à part la réalisation de ces sanitaires en plein cœur de la placette du ski-club», s'exclame Sid Ahmed, un des fidèles de cette station climatique. En effet, à vu d'œil, la situation calamiteuse dans laquelle patauge Chréa n'a pas bougé d'un iota. Même l'unique réalisation en ces longues années, les sanitaires tant demandés par la population, il a fallu deux ans pour qu'ils soient réceptionnés. Aberrant, pour une station qui est un régal pour les randonneurs et les familles venues des quatre coins du pays, de rester en deçà des attentes. Les moyens déployés par les autorités locales sont insuffisants par rapport aux potentialités de la station climatique de Chréa. Pis encore, ce site féerique croule sous les ordures. Les moyens limités de l'APC ne suffisent pas. Absence d'investissement Même les initiatives menées par le mouvement associatif restent insignifiantes en quantité et surtout en continuité. Sous d'autres cieux, un pareil site serait exploité au maximum. Des sports de montagne, des infrastructures hôtelières et de divertissement, des aménagements de haute qualité qui s'allient à la nature du site seraient à la disposition des estivants. A Chréa, malheureusement, rien de tout cela. Seul un restaurant boudé par les familles et des loisirs de fortune. Des vendeurs de barbe à papa, de fleurs géantes «made in China» et de cacahuètes, des kiosques multiservices qui font parfois même office de fast-food illégal font vivre le centre de Chréa. Dépassées par la grandeur du site et le manque de moyens, les autorités communales n'ont pas trouvé mieux que de ramener des manèges pour distraire les enfants. A part cela, rien ! Pas l'ombre d'un investisseur. Il y a quelques années, des promoteurs fortunés du pays ont tenté leur chance, déposant des dossiers pour des projets qui auraient apporté un plus à cette station, mais ils ont été bloqué pour des raisons inconnues. Le responsable de ce blocus est inconnu. L'APC s'en lave les mains et dit ouvrir toutes les portes aux investisseurs, mais invoque toutefois le mégaproblème du foncier, qui appartient en grande partie à la Conservation des forêts et aux Domaines, le reste à des privés. Ces derniers, qui ont quitté leurs biens durant la décennie noire, sont revenus en force avec l'instauration de la sécurité. Les Domaines se disent disposés à accueillir les investisseurs porteurs d'un projet intéressant en cohésion avec la nature de ce site forestier mondialement connu. Des espèces en voie de disparition Les habitués de Chréa l'ont sûrement remarqué : le singe magot, qui faisait la fierté de ce site, n'est plus. Ce petit macaque faisait la joie de estivants et surtout des petits qui s'amusaient à lui donner de la nourriture. Il était le divertissement qu'offrait Mère nature à ses visiteurs. D'après des experts, la raison de cette disparition serait le nombre important de feux de forêt qu'a connu cette région montagneuse, faisant fuir des espèces animales et nuisant aussi à sa riche flore. Dans l'attente d'un projet de résurrection et de mise en valeur, Chréa, armée de ses arbres centenaires, défie par son calme impassible les changements climatiques et l'indifférence des autorités du pays pour s'offrir généreusement et gracieusement à ceux et celles qui veulent bien la découvrir.