La prise d'otages de Beslan s'est transformée en un dramatique bain de sang. La responsabilité de ce bain de sang est en fait partagée entre les autorités russes, -qui ont par trop tendance à privilégier l'emploi de la force pour résoudre de tels cas de violence comme les prises d'otages-, et le commando tchétchène qui, en s'attaquant à des enfants et à des établissements scolaires, annihile toutes les sympathies dont le mouvement indépendantiste tchétchène a pu bénéficier par ailleurs. Il est patent que la cause tchétchène mérite d'autres voies et moyens pour libérer le territoire et demeurer dans le cadre d'une lutte pour la décolonisation à laquelle les textes internationaux lui donnent droit. Mais aujourd'hui le fait est là, le désastre de Beslan s'est traduit par la mort de 322 personnes dont 155 enfants venus ce jour tout guillerets inaugurer leur première journée de la nouvelle saison scolaire. Pour la Russie, pour la Tchéchènie et pour l'Ossétie du Nord ce dénouement macabre de la prise d'otages de mercredi est une véritable tragédie nationale. Plus de trois cents morts ont été recensés et plusieurs centaines de blessés, entre 600 et 700 selon les chiffres donnés par les médias russes et les autorités russes et ossètes. Le président russe, Vladimir Poutine, qui a fait hier une rapide visite sur les lieux du drame s'en est pris aux rebelles tchétchènes déclarant notamment «L'un des objectifs des terroristes à Beslan était de semer la haine interethnique et d'enflammer le Caucase du Nord». Certes! Il n'en reste pas moins que la question tchétchène est un problème sérieux qui se pose depuis de nombreuses décennies. Or, les autorités russes ont fait montre d'une rigidité mal à propos alors qu'il était possible de trouver une solution négociée à ce dossier. Ce que Moscou a catégoriquement refusé. Et ce n'est certes pas l'élection présidentielle «maison», organisée le 29 août dernier à Grozny, (capitale de la Tchétchènie), qui aurait arrangé les choses. En fait, l'élection présidentielle tchétchène a vu la «victoire» d'Alou Alkhnov, un homme lige du président russe, mettant pour ainsi dire le feu aux poudres, semble même avoir ouvert les vannes à la violence sans merci qui a déferlé sur la Russie ces derniers jours, si l'on excipe du fait que depuis le 29 août, une cascade d'actions, imputées à la résistance tchétchène, a marqué le quotidien de la Russie. Ainsi, en l'espace de quelques jours, plus de 400 personnes trouvèrent la mort, -les dernières en date étant celles du drame de Beslan-, lors de divers attentats dont le plus meurtrier a été celui qui a visé deux avions de transport occasionnant la mort de 90 personnes, de même que l'attentat du métro de Moscou, mardi dernier, -la veille de la prise d'otages à Beslan-, qui s'est soldé par la mort de 11 voyageurs. Cette série d'actions des commandos tchétchènes induit en fait une modification de la démarche des rebelles tchétchènes qui décident ainsi de frapper Moscou tous azimuts, engageant de la sorte une lutte sans merci contre le Kremlin. Toutefois, aussi justes que soient ses motivations, la résistance tchétchène trahit sa propre cause en s'en prenant à des innocents notamment à des enfants tout joyeux de reprendre le chemin de l'école, et qui se sont trouvés victimes de cette barbarie d'un autre temps. Après la précédente prise d'otages dans un théâtre à Moscou, en octobre 2002, qui s'est achevée elle aussi en carnage avec la mort de 129 personnes, les autorités russes ne semblent avoir tiré aucune leçon pour parer à ce genre de difficultés. Aussi, les explications fournies hier, tant par le président Poutine que par les divers services de sécurité russes, demeurent insuffisantes face à la réalité des faits et celle de familles meurtries qui voient soudain s'effondrer tous les efforts d'une vie. Or, selon un responsable des services de sécurité russes, FSB, des armes et des munitions avaient été cachées dans l'école en prévision de cette prise d'otages, ce qui implique que les responsables de ladite école et des services de sécurité d'Ossétie du Nord ont failli à leur mission. Ainsi, Valéri Andreïev a indiqué hier à la presse «Nous avons découvert dans l'école une grande quantité d'explosifs et de mines, ce qui peut indiquer que les terroristes s'étaient préparés à l'avance». En fait, en laissant la situation pourrir, en refusant de négocier avec les vrais représentants de la communauté tchétchène, en persistant à installer à Grozny des hommes voués à Moscou, le président Poutine tout en faisant fausse route, fait également le choix de la force qui ne peut mener que vers l'impasse et des situations encore plus dramatiques.