La rentrée politique, sociale et économique de cette année ressemble à tous égards à celles qui l'ont précédée. On attendait une rentrée exceptionnelle dictée par la conjoncture économique et financière difficile que traverse le pays en raison de la réduction drastique des ressources financières de l'Etat. Des décisions courageuses, un langage de vérité de la part des responsables sur la gravité de la crise et les mesures préconisées pour y faire face. Les rares déclarations des membres du gouvernement qui ont osé franchir le pas de s'exprimer sur ce sujet éminemment sensible, voire tabou, font plus dans la rhétorique et la sémantique que dans l'analyse objective, sereine et sans complaisance du tableau de bord de l'état de l'économie du pays et de ses perspectives. Quand un ministre de la République, M. Bouchouareb en l'occurrence, annonce solennellement à la face des Algériens que même avec un baril de pétrole à 10 dollars, l'Algérie pourrait allègrement se tirer d'affaire, on verse carrément dans le mensonge d'Etat. Le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, sait pertinemment, lui aussi, qu'il lui sera très difficile de convaincre l'opinion nationale que la cure d'austérité à laquelle on prépare les Algériens n'est que calembour colporté par des esprits chagrins et malveillants qui chercheraient à créer dans le pays un climat de sinistrose et de trouble. Alors que les premiers signes de la politique d'austérité sont palpables, ne serait-ce qu'au plan psychologique avec cette angoisse des lendemains incertains qui s'est fortement installée dans l'esprit des citoyens, le gouvernement ne voit dans les mesures annoncées qu'une volonté de rationaliser les dépenses publiques. M. Ouyahia, le patron du RND, qui connaît bien les réalités de l'économie nationale de par les responsabilités qu'il a exercées au sein de l'appareil de l'Etat, sait de quoi il parle lorsqu'il appelle à dire la vérité aux Algériens sur la situation du pays. Les vieux démons de l'ajustement structurel, contre lesquels on croyait l'Algérie immunisée avec l'embellie financière qu'a connue le pays au cours de cette dernière décennie, sont de retour. Et c'est le Premier ministre en personne qui évoque sans sourciller la question en n'écartant pas l'éventualité d'un recours au FMI, si la situation venait à l'exiger. M. Sellal a-t-il été trahi par son franc-parler ? Des contacts sont-ils déjà pris dans ce sens avec cette institution financière pour parer à toute éventualité ? C'est en tout cas dans ce contexte, qui pèche par une absence totale de visibilité sur la démarche du gouvernement pour faire face à la crise, que l'Etat tente, sans succès jusqu'ici, de mobiliser l'argent de l'informel en le bancarisant en contrepartie d'une amnistie fiscale qui ne dit pas son nom. L'opération, qui a connu un franc succès dans d'autres pays, notamment chez nos voisins du Maroc, ne suscite pas chez nous l'engouement escompté par les pouvoirs publics. Curieux paradoxe ! Les barons de l'informel, qui sont parrainés par des personnalités haut placées du pouvoir, quand elles ne sont pas dans les sphères décisionnelles, ne font pas confiance à l'Etat. L'économie, le pays d'une manière générale est pris en tenaille entre le pouvoir formel et le pouvoir de l'informel et de l'argent.