Véritable révolution en marche ou simple quête de boucs émissaires pour un futur krach économique, le gouvernement maintient la pression sur les walis et les présidents d'APC, sommés de recréer l'activité et l'investissement à travers le pays. La recherche d'un plan anticrise n'a pas duré longtemps au niveau des centres de décision : la relance économique viendra de la base, des communes précisément. Depuis une quinzaine de jours – notamment lors de la réunion avec les walis le 29 août dernier où Sellal qualifiait son auditoire de «clé de voûte du dispositif» –, le discours gouvernemental réitère sans cesse la nouvelle mission des responsables locaux, désormais chargés de libérer les énergies créatrices de richesses et d'emplois. Avant-hier, le directeur des finances locales au ministère de l'Intérieur a précisé la pensée et le projet inattendu du gouvernement. «Dès cette année, des contrats de performance seront introduits», déclarait ce responsable, ajoutant : «Les élus seront tenus de rendre des comptes (…) sur la valeur ajoutée en matière d'investissement, de postes d'emploi créés, de ressources propres valorisées.» Ainsi, la solution miracle existe et on se demande pourquoi les autorités centrales n'ont pas eu recours, durant toutes ces années de marasme et de crise latente, à la panacée de l'initiative locale. Si cette technique du pilotage automatique se révélait probante, il ne resterait plus au gouvernement que de replonger dans sa léthargie légendaire ou de reprendre les vieilles querelles interclaniques. L'opinion publique est, au demeurant, en droit d'attendre un mea-culpa de la part des hautes autorités pour les errements passés. On se souvient, ces derniers mois, d'une attribution de terrain dans la ville d'Alger… à l'insu du wali délégué. Acculé par la présente crise financière qui l'a mis face à un échec retentissant dans la mise à niveau économique du pays, le gouvernement n'hésite pas à se délester de nombre de ses prérogatives au profit des autorités locales, y compris sur le très sensible dossier du foncier industriel, soumis jusque-là à une gestion exclusivement politique. Ce passage de témoin en temps de crise, sans préparation du terrain, ne fera qu'exacerber les appréhensions et accélérer l'apparition des premiers effets de la crise. Longtemps considérés comme de simples auxiliaires de l'administration, chargés d'aucune mission à l'exception de la bonne organisation des échéances électorales, disposant d'une administration techniquement défaillante et globalement dépendante du filet social, les élus locaux ne se sont jamais mis dans la peau de chefs d'entreprise. Ce qui ne les empêche pas d'apprendre aujourd'hui que «dès 2016, les collectivités locales auront toute latitude de développer des activités économiques susceptibles de générer une plus-value. Elles devront épuiser toutes leurs ressources avant d'aller en demander d'autres». Si les autorités exécutent ce dispositif qui s'apparente à une suspension ou une forte réduction des budgets destinés aux communes, renvoyées à leurs supposées ressources propres, nous risquons d'assister à un plan de paupérisation à grande échelle, que d'aucuns appellent déjà le «chaos social». Après les longues années de perfusion, ce sera l'asphyxie.