L'avocat met en garde contre cette «grave forfaiture» et annonce la constitution d'un collectif d'avocats pour défendre l'officier «le plus décoré» de l'institution militaire. Cela fait quinze jours que le général-major Abdelkader Aït Ouarabi, dit Hassan, ancien chef de l'unité antiterroriste du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), est détenu à la prison militaire de Blida. Il avait fait l'objet d'un mandat d'arrêt lancé contre lui par le juge du tribunal (militaire) de Blida et exécuté par une escouade de la Gendarmerie nationale dans la soirée de jeudi 27 août, alors qu'il se trouvait dans son logement de fonction, à Alger. Depuis, son avocat peine à lui rendre visite. Le juge refuse de lui communiquer le contenu des charges retenues contre général-major sans une autorisation de constitution signée par un président du tribunal – en congé – qui, une fois rentré, attend toujours un «ordre d'en haut» qui n'arrive pas. Me Sellini met en garde : «La patience et la sagesse ont des limites. En tant que bâtonnier et défenseur, je refuse d'être complice d'une situation de violation des droits constitutionnels et des principes fondamentaux de la présomption d'innocence. Ce haut gradé a été parmi ceux qui ont sauvé le pays et auxquels on s'en prend aujourd'hui. Faut-il attendre notre tour à nous aussi ?» Me Sellini se dit «ballotté» entre le juge et le président du tribunal militaire depuis deux semaines. «Pour aller rendre visite au détenu, le juge me demande une autorisation signée par le président du tribunal. Une procédure qui existe, certes, mais uniquement lorsqu'il s'agit d'affaire grave d'espionnage dans laquelle se constituent des avocats étrangers. Mais nous ne sommes pas dans cette situation. Moi, bâtonnier d'Alger, j'ai besoin d'une autorisation pour défendre un justiciable…» Selon Me Sellini, le général-major Hassan «est victime d'une grave forfaiture». Il revient sur son arrestation en disant que «le mandat d'arrêt est délivré pour permettre la comparution physique d'un justiciable qui refuse de se présenter. Les conditions de son exécution sont renvoyées par le code de justice militaire au code de procédure pénale, qui énonce que le mis en cause, une fois arrêté, doit être obligatoirement entendu dans les 48 heures qui suivent son arrestation et en présence de son avocat. Or, cela n'a pas été le cas à ce jour». L'avocat précise : «Lorsque j'ai été la première fois, on m'a appris que le juge était en congé, puis il est rentré ; on me demande l'autorisation, je vais la demander au président, qui, lui, était absent. A son retour, il me demande d'attendre la fin de la semaine parce que lui-même attend un ordre d'en haut qui ne vient pas. C'est très grave. Deux semaines et personne n'a pu me dire pourquoi mon mandant est en prison et surtout pourquoi on ne veut pas que je lui rende visite. Je ne peux pas me taire devant une telle dérive. J'ai dit au juge : ‘‘Vous m'empêchez d'avoir accès au mis en cause, alors dites-moi quelles sont les charges retenues contre lui.'' Il était incapable de citer un seul grief. Les articles 79 et 84 du code de la justice militaire sont très clairs. Lorsqu'un militaire est arrêté, il a le droit de constituer immédiatement un avocat qui doit être avec lui, lors de son audition par le juge. Ces principes consacrés par la loi ont été violés.» Poursuivant son réquisitoire, l'avocat revient sur l'article 30 du code de la justice militaire consacré aux poursuites contre les officiers du grade de capitaine et plus. Cette disposition, faut-il le souligner, précise qu'en cas de poursuites contre un officier du grade de capitaine et plus, un tribunal est désigné par le ministre de la Défense et, sauf exception, il doit être en dehors de la circonscription dans laquelle le mis en cause a exercé. Cela veut dire que les poursuites engagées par le tribunal militaire de Blida contre le général-major et son arrestation sont en violation avec la loi. «Dans la pratique, l'instruction se fait dans la même circonscription et le procès ailleurs. Cela étant, le juge a violé le principe de la présomption d'innocence, puisqu'à ce jour, le mis en cause n'a pas été entendu et, de ce fait, nous sommes devant une détention arbitraire. Plus grave, à ce jour, aucune plainte ni du département dans lequel il exerçait, qui est le DRS, ni du ministère de la Défense, sa hiérarchie, n'a été déposée, alors que le code de la justice militaire exige une plainte préalable du ministère de la Défense lorsqu'il s'agit d'une action contre un officier. Le général-major Hassan est en prison en vertu d'un mandat d'arrêt délivré sur la base de rien, absolument rien. Où va-t-on comme ça ? Est-ce de cette manière que les tribunaux militaires exercent le droit ?» déclare l'avocat. Cette situation de «non-droit», dit-il, n'a pas laissé indifférente la corporation des avocats. «Nombre d'entre eux se sont portés volontaires» pour défendre l'officier en raison des «graves dérives» qui caractérisent cette affaire. «Un collectif d'avocats s'est déjà constitué et reste ouvert à d'autres confrères. Il est question de défendre des principes et un homme dont l'engagement pour la défense de la patrie a été sans faille. Nous ne pouvons pas accepter que ceux qui ont sauvé le pays soient malmenés de la sorte», a conclu l'avocat.