Dans le documentaire en langue française Rocher noir (ancienne appellation de Boumerdès), l'Algérien Chérif Aggoune s'est intéressé, à partir d'un scénario de Mohamed Khodja, à un épisode entouré de fantasmes et de contrevérités de l'histoire contemporaine algérienne : l'après-signature des Accords d'Evian et la composition de l'Exécutif provisoire algérien sous la présidence de Abderrahmane Farès. L'Exécutif était composé, entre autres, de Chawki Mostefaï, Jean Mannoni, Abdelkader Hassar, Mohamed Benteftifa et Belaïd Abdessalam. Farès, secondé par Roger Roth, devait préparer le référendum d'autodétermination du 1er juillet 1962. Le titre initial du documentaire, produit à la faveur de la célébration du 50e anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, était d'ailleurs Le 1er juillet 1962. Installé à Rocher noir, l'Exécutif devait gérer les affaires publiques jusqu'à la proclamation de République algérienne. Durant cette période, l'organisation OAS commettait plusieurs attentats terroristes à Alger et ailleurs. Chérif Aggoune, qui a fait parler Chawki Mostefaï, s'est concentré sur la question, très controversée, des négociations qu'auraient eues Farès avec un chef de l'OAS. Farès aurait pris l'initiative sans informer le GPRA, installé alors à Tunis, ni de mettre au courant les autres membres de l'Exécutif. Ce qui a engendré le conflit. Mostefaï a confié que l'Exécutif a démissionné en raison de cette situation tendue avec le GPRA qui aurait traité Farès de «traître». Pourquoi Farès, qui a été reçu à plusieurs reprises par le général de gaulle à Paris durant cette période, n'a pas coordonné avec le GPRA «les négociations» avec l'OAS. Le documentaire de Chérif Aggoune ne donne pas assez d'explications, mais a repris, avec exagération la version de l'OAS à travers une interview d'archives de Jean Jacques Susini, un des chefs historiques de l'organisation terroriste qui défendait «L'Algérie française». Les dires de Susini, bourrés de mensonges, ne sont pas contredits dans le documentaire qui volontairement ou pas laisse planer le doute sur une période sensible de l'histoire algérienne. Chérif Aggoune n'a visiblement pas sollicité des consultants en histoire pour éviter les failles. «Le GPRA a chargé l'Exécutif provisoire de gérer les affaires à l'intérieur, prendre des décisions. Cela ne veut pas dire que l'Exécutif n'a pas informé le GPRA sur les négociations avec l'OAS. Le GPRA n'a dit ni oui ni non. Il a laissé faire. Abderrahmane Farès est en réalité le premier Président de l'Algérie. Il a signé les premiers passeports algériens», a précisé le réalisateur. Le documentaire a ignoré l'activité politique de Farès d'avant les négociations d'Evian (il était membre de l'Assemblée française) et n'a pas détaillé les raisons de sa mise en prison par le régime de Ben Bella. Farès a été libéré en 1965 par le colonel Boumediène après le coup d'Etat du 19 juin. «Durant cette période, plusieurs nationalistes ont été arrêtés par Ben Bella. Je ne pouvais pas m'étaler dans le documentaire car ce n'était pas mon sujet», a noté Chérif Aggoune. Il s'est appuyé pour la construction de son documentaire sur les mémoires de Abderrahmane Farès, La cruelle vérité (parues à Paris en 1982, puis à Alger aux éditions Casbah). Or, les mémoires offrent souvent une version subjective et limitée des faits historiques.