Il est plus facile d'élire un Président que de le rencontrer. C'est ce que semble rappeler nombre de signataires de la demande d'audience qui vient d'être publiquement adressée au chef de l'Etat. Cette initiative est symptomatique de l'impasse algérienne où des personnalités et des organisations, dont certaines ont longtemps accompagné le pouvoir, se retrouvent aujourd'hui contraintes de prendre à témoin l'opinion publique pour obtenir le droit d'être reçues à la Présidence. Les chances d'aboutissement de ce projet de rencontre paraissent menues. D'autant plus que l'arrière-pensée «médicale» de cette démarche est criante, si l'on en juge par la déclaration d'un de ses initiateurs, projetant de «vérifier s'il (le Président) est réellement en état de diriger le pays». Empiéter sur les prérogatives du Conseil constitutionnel est un autre élément qui viendrait s'ajouter au désordre national en cours. Quand on a longtemps soutenu le Président, même dans les moments cruciaux de renouvellement de candidature, il serait plus cohérent de faire siennes les promesses de réaménagement de la Loi fondamentale devant, entre autres, élargir le droit de saisine du Conseil constitutionnel. La stratégie de saturation du débat, adoptée également par le duo Ouyahia-Saadani ou la nébuleuse Mezrag, éloigne les chances d'une décantation de la scène politique et brouille les véritables enjeux posés au pays. L'interrogation sur la «paternité» des messages présidentiels, réitérée depuis des semaines par nombre de voix, notamment la patronne du PT, est en train de saturer l'opinion publique plus qu'elle n'éclaire le débat. Du reste, il est notoire que les Présidents qui rédigent leurs discours sont extrêmement rares dans le monde. Le constat des dérives oligarchiques et antidémocratiques du régime en place est partagé par toutes les organisations ayant une certaine autonomie politique. La problématique est de trouver les ressorts politiques, donc populaires, pour «aider le système à partir», comme le déclarait un membre de la CLTD. Cette structure transpartisane, militant pour une transition démocratique, avait introduit dans le débat la notion de «rapport de force» au sein de la population en faveur d'une alternative au pouvoir en place. Une démarche radicale qui n'a pas coïncidé avec un certain projet de consensus national, qui se proposait d'impliquer les partis du pouvoir, est d'une tout autre nature que la dernière initiative réclamant une entrevue avec le Président. Si le pouvoir est arrivé à une impasse historique, ne pouvant se régénérer par une simple révision des textes et une restructuration de ses services, il faut dire que l'opposition portant le projet d'un renouveau politique n'a pas encore réussi la jonction attendue avec la société. Alors que l'on promettait des actions populaires pour cette rentrée, les ambitions ont été finalement réduites pour annoncer que «l'ICSO prépare un Mazafran 2». Une instance absconse en un lieu jamais foulé par le commun des citoyens.