Des membres de l'Icso estiment qu'Ouyahia, chef de cabinet de la présidence de la République, n'est pas la personne indiquée pour négocier une transition démocratique avec l'opposition. Le déplacement du président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Abderrezak Makri, au siège de la présidence de la République pour y rencontrer le chef de cabinet, Ahmed Ouyahia, n'a pas soulevé de réactions publiquement outrées de la part des partis de engagés dans l'Instance de concertation et de suivi de l'opposition (Icso). L'initiative de Makri n'a également pas été applaudie. Jeudi, les membres de l'Icso, qui se sont retrouvés chez Benflis pour un énième conclave, ont fait le choix de restreindre l'ordre du jour de leur réunion à l'examen de la situation à Ghardaïa où une véritable hécatombe a été commise la veille à l'aube, épargnant, du coup, au président du MSP, qui revenait de chez Ouyahia, de s'expliquer solennellement et formellement sur sa démarche. Cependant, si le conclave ne s'est pas formalisé sur l'initiative de Makri, il n'en demeure pas moins que certains membres de l'Icso, peu enclins à célébrer des lunes de miel avec le pouvoir, même quand ce dernier ose le premier pas, ont à peine caché leur irritation de ce qu'ils considèrent être un débordement solitaire pouvant impacter négativement sur la performance politique de l'Instance. Il y a eu bien des chuchotements à propos de la rencontre de Makri avec Ouyahia, jeudi, confie un participant à la réunion de l'Icso qui préfère garder l'anonymat pour ne pas donner prise, argue-t-il, à des polémiques. "On savait le MSP fort intéressé par nouer le dialogue avec la présidence de la République. Il ne s'en cachait pas d'ailleurs. Ce qui est troublant dans la démarche du parti, c'est qu'il a accepté ou a choisi de se rendre à la présidence de la République le jour même où il était attendu à la réunion de l'Icso, programmée, elle, de longue date", note notre interlocuteur, non sans souligner qu'il est fort peu improbable que le coïncidence soit le fait du hasard. Pour ce membre actif de l'Icso, cette coïncidence est délibérément provoquée aux fins de faire noter au conclave de l'Instance ce qui est conçu comme un acte concret de la volonté du pouvoir à dresser une passerelle avec l'opposition, comme le soulignait le message présidentiel du 4 juillet dernier. Le président du MSP y a-t-il souscrit consciencieusement ou ne s'en est-il pas aperçu, harcelé continuellement à renouer avec le pouvoir qu'il est par ses adversaires au sein du parti ? En tout, son farouche adversaire au sein du MSP, Abou Djerra Soltani, s'est empressé à le congratuler pour l'initiative, réclamant de lui, sournoisement, de persévérer sur cette voie du dialogue. L'ancien président du MSP, qui a eu un difficile servage du pouvoir, préconise même de substituer le message présidentiel à l'occasion de la Fête de l'Indépendance nationale à la plateforme politique de Mazafran. Soltani n'a jamais été convaincu par l'opposition. Il ne s'y sent pas à l'aise. Aussi, pousse-t-il Makri à remettre le parti dans le giron du pouvoir, lequel Makri pourrait être tenté de s'exécuter. D'autant qu'au sein de l'Icso, on apprécie de moins en moins la trajectoire partisane du MSP. D'ailleurs, il a été aisé pour cet autre membre de l'Icso d'épingler Makri qui ne s'est pas formalisé, outre mesure, sur le cadre proposé pour le dialogue avec l'opposition, relevant, au passage, qu'il est pour le moins incohérent de boycotter les consultations autour de la révision de la Constitution conduites par Ouyahia et de se rendre, une année après, disponible pour un dialogue politique, voire négocier une sortie de crise avec le même fonctionnaire à la présidence de la République. "Il est vrai que l'Icso propose une transition démocratique négociée. Mais pour ce qui est du dialogue, il aurait été plus crédible, à défaut de l'implication personnelle du chef de l'Etat, de le mener avec le Premier ministre. Ce dernier peut engager l'Exécutif, alors que le directeur de cabinet de la présidence de la République ne le peut pas", atteste-t-il, se laissant aller à taquiner Ahmed Ouyahia : "Il est mal placé pour une telle entreprise politique, lui qui n'a pas pu s'imposer face à Amar Saâdani !" Ce qui est craint par-dessus tout dans cette offre de dialogue de la présidence de la République est que la disponibilité du MSP fasse des émules, ce qui aura pour conséquences d'affaiblir l'Icso. Makri parle d'une dizaine de partis membres de l'Icso qui ont hâte d'aller chez Ouyahia. S. A. I.