Aussitôt annoncée, l'initiative inédite des 19 personnalités nationales, adressant une demande d'audience au Président Bouteflika, n'a pas tardé à susciter des réactions d'adversité de la part de certains partis du pouvoir. La levée de boucliers chez les proches du pouvoir, notamment le secrétaire général du FLN, Amar Saadani, pour dénoncer une démarche qui concerne avant tout le Président, serait-elle un signe qui trahit le malaise des autorités ? Bouteflika est-il pris en otage par son entourage ? La sortie médiatique des 19 personnalités qui lui ont formulé une demande d'audience – dont ses proches soutiens à l'image de l'ex-ministre de la Culture, Khalida Toumi – a pour but de poser presque la même question. Remettant en cause la paternité de certaines décisions annoncées récemment par le gouvernement, les signataires de cette demande veulent vérifier, eux-mêmes, que le chef de l'Etat est bien l'auteur de ces mesures qui, selon eux, ne font qu'aggraver la situation générale du pays. Et face au silence de la présidence de la République, institution concernée en premier lieu par cette interpellation, ce sont les partis proches du pouvoir qui réagissent. Mis très mal à l'aise par cette sortie inattendue pour eux, ces procurateurs du clan présidentiel contre-attaquent violemment et sans discernement. Ce qui témoigne déjà de l'ampleur de la gêne dans laquelle se trouve le clan présidentiel qui ne cesse, notamment depuis la validation du quatrième mandat, d'user et d'abuser des mises en scène montrant le chef de l'Etat recevant des hôtes étrangers et des responsables algériens. En effet, le premier à s'offusquer de «ce crime de lèse majesté» est le secrétaire général du FLN, Amar Saadani. Piqué dans son amour-propre, le patron du FLN a, dans un reflexe reptilien, violemment attaqué les initiateurs de cette démarche, notamment la secrétaire générale du Parti des travailleurs, Louisa Hanoune. Ayant lui-même appelé les «personnalités nationales» à intégrer son «front», Amar Saadani n'a pas hésité à rejeter l'existence même de ce concept pour dénier toute qualité aux signataires de ladite demande. «D'abord, il n'y a aucun article dans la Constitution qui définit ce qu'est une personnalité nationale. Ensuite, mis à part le peuple, personne, et je dis bien personne, n'a le droit d'auditionner le président Bouteflika», estime-t-il dans une déclaration à la presse en marge de la réunion, hier à Alger, des élus de son parti. Ce faisant, il s'est même permis des jugements de valeur sur les signataires de la demande. Selon lui, «parmi eux, il y a des personnes sincères dont les actions sont guidées par l'intérêt national». «Une deuxième partie agit, par contre, pour le compte de ses propres intérêts et une troisième partie est téléguidée par des parrains», dit-il, sans argumenter ni donner de noms. Amar Saadani juge même inconcevable le fait de douter du Président alors que, selon lui, des chefs d'Etat étrangers ont témoigné de ses grandes capacités, faisant ainsi allusion au président français François Hollande. Se comportant déjà comme le tuteur sur la scène politique nationale, il refuse même le droit à ces personnalités de juger le bilan de Bouteflika. «Si c'est pour dire que la situation dans le pays est catastrophique, il faudrait qu'ils attendent 2019 (l'élection présidentielle), l'année durant laquelle le peuple va juger le bilan du Président», déclare-t-il, en consacrant une grande partie de ces attaques à Louisa Hanoune. «Hanoune a un parti politique, avec un programme et surtout un champ totalement libre d'expression. Qu'est-ce qui a pu l'amener à signer cette lettre ? Elle a perdu son équilibre car ceux qui la soutenaient ont quitté leurs postes», juge-t-il, en chargeant même le secrétaire général du RND, Ahmed Ouyahia, qui hésite encore à rejoindre son initiative. Outre Amar Saadani, tous les partis proches du pouvoir semblent avoir reçu la même instruction de charger «ces fauteurs de troubles». Le porte-parole du RND, Seddik Chihab, n'est pas resté en marge et a exprimé, lui aussi, l'indignation de son parti face à cette remise en cause ne serait-ce que d'une partie des décisions de l'Exécutif. Dans un communiqué rendu public hier, le Rassemblement national démocratique (RND) a affirmé que le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, était «comptable devant le peuple souverain qui l'a investi et devant le peuple uniquement». Selon le RND, la lettre «met en doute la capacité du président Abdelaziz Bouteflika à diriger le pays. Elle l'accuse aussi de porter atteinte aux institutions de l'Etat et aux intérêts de l'Algérie». «La lettre est signée par un certain nombre de personnes connues et que très peu de choses réunit. Cela dévoile l'identité de l'auteur de cette initiative, un chef de parti politique, déchaîné depuis quelques mois déjà contre l'Etat et contre son premier dirigeant», a ajouté le RND dans son communiqué. Toujours arrimé à la voix officielle, le TAJ de Amar Ghoul s'est précipité, lui aussi, à pondre un communiqué dénonçant la démarche de ces 19 personnalités. «Nous refusons totalement le fait de douter des institutions de la République, à leur tête la Présidence. Nous affirmons que le président de la République accomplit normalement ses missions», lit-on dans ce communiqué.