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Au commencement, il y avait Horst Dassler
Sport et corruption
Publié dans El Watan le 11 - 11 - 2015

Les scandales qui éclaboussent la FIFA n'épargnent pas les autres instances du sport mondial, à l'instar du Comité olympique international (CIO), la Fédération internationale d'athlétisme (IAAF), sans compter des confédérations et associations. Presque tous les dirigeants qui sont passés à la tête des instances sportives ont été rattrapés par les scandales.
Il ne se passe plus un jour sans que des «dignitaires » du sport soient mis en cause dans des affaires de corruption, pots-de-vin, rétrocommissions, violation du code d'éthique et de bien d'autres méfaits que la morale réprouve. Le déballage auquel on assiste depuis l'éclatement du dernier scandale de la FIFA en mai 2015 est loin d'être terminé.
Des cadavres planqués dans des armoires sont en train d'être exhumés un à un. Les masques sont enfin tombés après des années de silence. Toutes les personnalités qui ont occupé des postes de responsabilité au sein des organes dirigeants du mouvement sportif mondial au cours des 30 dernières années, sont soit accusées, soit soupçonnées, d'avoir trempé dans la corruption.
Corruption et pots-de-vin en série
De Joao Havelange, président de la FIFA de 1974 à 1978, à Lamine Diack, ancien président de la Fédération internationale d'athlétisme, en passant par Antonio Samaranch, ancien président du CIO, Primo Nebiolo, ancien président de l'IAAF, Joseph Blatter, président de la FIFA, sans oublier des dirigeants européens, asiatiques, africains, sud-américains... tous sont souvent cités dans des affaires de corruption et de pots-de-vin. Au commencement du vaste réseau de corruption dans le sport qui remonte au début des années 1970, il y a un nom. Celui de l'Allemand Horst Dassler, patron de la firme Adidas.
Grâce à sa puissance financière, ses rentrées dans le monde du sport et plus particulièrement des fédérations porteuses, comme la FIFA, l'IAAF et le Comité olympique international, il a rapidement compris l'avantage qu'il pouvait tirer de ces instances dans le domaine du marketing, de la publicité et des droits de retransmission des compétions majeures.
Il a posé les premières pierres de son empire en 1970 avec l'avènement de la télévision couleur (Coupe du monde 1970 au Mexique). Il a senti l'affaire de sa vie. Pour la faire aboutir, il a tout simplement ouvert son carnet de chèques et couvert de cadeaux, voyages, voitures, belles créatures, des dirigeants peu scrupuleux avec la morale et les règles de l'éthique.
Horst Dassler sort le grand jeu à la veille des élections de la FIFA en 1974. Il fait du Brésilien Joao Havelange son favori. Il pèse de tout son poids sur la «conscience» des délégués de la FIFA pour que l'ancien nageur brésilien soit le nouveau patron du football mondial. Il réussit son coup. Encouragé par la «réussite» de son entrée en matière, il réitère son coup une seconde fois à l'occasion du vote pour les Jeux olympiques de Montréal 1976. Il était pour que ces jeux aient lieu au Canada.
Ils ont eu lieu dans ce pays. Il a mis tout le monde dans sa poche. Sa puissance financière, à l'époque, était sans limite. Les fédérations, les unes après les autres, tombaient sous l'influence du patron d'Adidas qui rafle tous les marchés des droits marketing, publicité et retransmission des grands tournois et compétitions. Il recrute à tour de bras. Un escrimeur allemand, médaillé aux Jeux de Montréal, Thomas Bach, rejoint l'empire Dassler après la fin de sa carrière. En 2014, il est propulsé à la tête du CIO.
Le journaliste britannique, Andrew Jennings, l'accuse dans son dernier livre, Le scandale de la FIFA, d'«avoir joué un rôle dans la compromission de dirigeants sportifs à l'époque où il faisait partie du département Relations extérieures du groupe Dassler».
Aujourd'hui, l'Allemand est à la tête du CIO. Le journaliste d'investigations qui a été le premier à dénoncer le «système Blatter» affirme que Thomas Bach «était au courant de la corruption et des pots-de-vin dans le sport». Si ce qu'il avance est vrai, cela ne tardera pas à déboucher sur un autre scandale qui entachera l'image du CIO. Pour l'instant on n'en est pas là.
Au début des années 1980, Horst Dassler réalise deux importantes conquêtes.
Il contribue à l'élection d'Antonio Samaranch à la tête du CIO (1980) à la faveur d'un vote massif pour l'Espagnol de l'ancien bloc de l'Est et du continent africain. Les délégués votent Antonio Samaranch les yeux fermés et la main sur le cœur. Les Jeux olympiques et les grandes compétitions d'athlétisme sont les rendez-vous des bonnes affaires.
Horst Dassler et sa firme Adidas raflent tous les marchés, équipent presque toutes les sélections et clubs. Ce sont des millions de dollars qui vont grossir les comptes en banque du Bavarois. Lui sait se montrer généreux avec tous ceux qui lui déroulent le tapis rouge. En 1981, il propulse l'Italien Primo Nebiolo à la tête de l'IAAF et ferme hermétiquement le jeu. La FIFA (Havelange), le CIO (Samaranch) et l'IAAF (Nebiolo) deviennent les anges gardiens des intérêts d'Horst Dassler.
un pouvoir quasi dictatorial
Pour asseoir sa mainmise totale sur le sport, Horst Dassler décide de prendre la totalité du pouvoir décisionnel dans le sport mondial, et ce, en imposant ses affidés à la tête de toutes les instances sportives. Il a alors érigé la corruption en mode de fonctionnement du système sportif.
A la fin de la décennie 1980, il crée l'agence International Sport and Leisure (ISL), de marketing, sponsoring et achat des droits de retransmission des grands événements sportifs, qui va multiplier son rayonnement et enrichir les principaux dirigeants des instances sportives à la faveur de versements d'importantes sommes d'argent dans leurs comptes personnels. ISL sera une sorte de boîte noire qui achètera des voix et des consciences. Presque tous les dignitaires du sport touchent des pots-de-vin pour assouvir les désirs d'Horst Dassler.
Des dirigeants sans scrupules mangent dans la main du patron d'ISL. Le Brésilien Joao Havelange, président de la FIFA et membre du CIO, et son beau fils, Ricardo Texeira, président de la Confédération brésilienne de football (CBF), sont les premiers servis. ISL leur a versé des millions de dollars pendant des années. Joao Havelange sera reconnaissant envers Horst Dassler, même après la mort de ce dernier emporté par un cancer en 1987 à l'âge de 51 ans.
FIFA business
En 1995, la FIFA lance un avis d'appel d'offres pour l'acquisition des droits de marketing, sponsoring et retransmission de la Coupe du monde 2002. L'agence américaine IMG fait une offre d'un milliard de dollars. Une fuite organisée par la FIFA indique que «la partie sera serrée entre les postulants ».
IMG décode le message et revient à la charge à travers une correspondance, où son directeur Europe, Eric Dossart, informe Joseph Blatter, à l'époque secrétaire général de la FIFA, que «IMG est prêt à surenchérir sur les meilleures offres».
Le 5 juillet 1996, Joao Havelange tranche sans surprise en faveur d'ISL.
Joseph Blatter enfonce le clou en signifie à IMG «la FIFA accorde les droits de la Coupe du monde 2002 et 2006 à ISL» en dépit de l'offre mirobolante de l'agence américaine.
Havelange gère le football mondial comme sa propriété et n'a de comptes à rendre à personne. Les membres du comité exécutif ne soufflent mot sur les agissements de celui que les Brésiliens qualifient de «corrompu jusqu'à la moelle». Il finira par être rattrapé par les scandales de corruption et sera contraint de démissionner du CIO pour éviter une humiliante radiation.
Il ne sera pas le seul a être éclaboussé dans des histoires de corruption et de rétrocommissions à grande échelle. Antonio Samaranch a, lui aussi, été au centre d'un scandale retentissant en 2002, avec les circonstances qui ont entouré le choix de Salt Like City pour l'organisation des Jeux d'hiver 2002.
Des voix ont été achetées, des délégués ont perçu de l'argent en contrepartie de leur voix, des voyages ont été offerts à leurs proches, sans oublier les cadeaux reçus. Lorsque ISL a fait faillite, en laissant une ardoise de 300 millions de francs suisses, le géant allemand Kirch Média a pris la suite pour «gérer» les affaires.
Joseph Sepp Blatter, Primo Nebiolo, Lamine Diack, Platini, ainsi que bien d'autres figures de proue du sport mondial ont laissé le système se développer, sans le dénoncer. Même l'actuel président de la Fédération internationale d'athlétisme, l'ancien médaillé, Lord Sébastien Coé, est montré du doigt. Andrew Jennings, son compatriote, lui reproche d'avoir fermé les yeux sur les affaires qui ont entaché l'image de la FIFA et du football comme ISL, les pots-de-vin et son refus d'aller loin dans l'enquête sur la corruption à la FIFA.
Sujets pour lesquels Joseph Blatter l'avait bombardé à la tête de la commission d'éthique de la FIFA en septembre 2006. Après quelques mois de présence à la tête de la commission, il a fait ses valises et est rentré chez lui sans piper mot sur les raisons de la faillite d'ISL, sur les noms des bénéficiaires des largesses de cette boîte, le trafic de la vente des billets de la Coupe du monde, les fraudeurs sur les notes de frais. Une tombe qui a emporté ses secrets avec elle.
Suspensions et sanctions en cascade
Les derniers dirigeants mis en cause dans les vastes scandales dans le sport sont le Qatari Mohamed Bin Hammam, suspendu à vie de toute activité liée au football, Jack Warner et Chuck Glazer (Conmebol), persona non grata dans le football, le Coréen du Sud, Chung, suspendu 6 ans, le Français Michel Platini, président de l'UEFA et candidat à la succession de Blatter, suspendu 90 jours pour avoir perçu plus de 2 millions de francs suisses pour «travaux présumés pour la FIFA», le Sénégalais Lamine Diack, qui risque une radiation dans l'affaire de dopage qui secoue l'IAAF et qui a fait l'objet d'un avertissement de la part du CIO dans l'affaire ISL, sans remonter à l'Italien Artemio Franchi, ex-président de l'UEFA, qui a été nommément cité dans l'affaire Solti, du nom d'un intermédiaire qui a tenté de corrompre un arbitre portugais , Lobo Marques, à la veille d'une demi-finale de la Coupe d'Europe des clubs (Derby County – Juventus).
L'histoire du sport mondial est un chapelet de scandales, malheureusement presque tous étouffés grâce à la corruption couverte par tous. Sentant le danger, Joseph Sepp Blatter a pris les devant pour protéger les corrompus qui ont vécu au détriment du sport et des millions de pratiquants. Il est parti prêcher la bonne parole à Asuncion, au Paraguay en 2012, en disant aux dirigeants des fédérations : «Cramponnez vous à l'autonomie et à l'indépendance.
C'est l'unique moyen d'empêcher la police et la justice de vous demander des comptes.»
Le temps est venu pour que la justice s'intéresse plus sérieusement à la corruption dans le sport. Un signe encourageant est venu d'Interpol, qui a suspendu sa collaboration avec la FIFA au lendeamin du scandale de mai dernier. Pourtant, Interpol avait versé 20 millions d'euros à la FIFA pour traquer tous les tricheurs.
L'image du sport est souillée. Les hommes du système Dassler, qui a survécu à son créateur, sont toujours dans la place. Il y a peu de chances que cela change. Il y aura peut être moins de corruption et de pots-de-vin, mais ils ne disparaîtront pas définitivement, tant que le mal n'est pas attaqué à sa racine.


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