Cette année, les Palestiniens de la bande de Ghaza et de Cisjordanie occupée accueillent le mois sacré du Ramadhan dans une atmosphère tendue due à l'une des crises politico-financières les plus graves de leur histoire contemporaine. Ils sont soumis à un embargo imposé par la communauté internationale sous la houlette des Etats-Unis d'Amérique depuis l'installation, en mars, du gouvernement formé par le mouvement islamiste Hamas, suite à sa victoire aux législatives de janvier dernier aux dépens du Fatah, le plus ancien mouvement nationaliste palestinien. Les Etats-Unis et l'Union européenne, principaux donateurs de l'Autorité palestinienne, considèrent le Hamas comme un mouvement terroriste avec lequel il est impossible de traiter. Il en a résulté une crise économico-financière étouffante due surtout au non paiement des salaires de plus de 160 000 fonctionnaires durant plus de 6 mois consécutifs, ce qui a privé le marché palestinien de près de 120 millions de dollars mensuellement. Les mesures prises par l'Etat hebreu durant cette période de prise de fonction du gouvernement par le Hamas ont accentué cette crise. Un blocus total presque continu des points de passages entre Israël et les territoires, d'un côté et les territoires et les pays voisins de l'autre, a engendré de graves pénuries en matières essentielles tels les médicaments, les carburants, les produits alimentaires de première nécessité qui transitent à partir d'Israël. L'Etat hebreu a aussi arrêté le versement à l'Autorité palestinienne des droits et taxes prélevés sur ces marchandises, estimés à près de 50 millions de dollars mensuels. Si l'on rajoute à cet état de fait la grave crise politique interne due aux profondes divergences entre le Fatah et le Hamas qui a créé un climat d'instabilité, d'anarchie et d'insécurité, on peut aisément imaginer combien la vie quotidienne est devenue difficile dans cette partie du monde. La misère, la pauvreté, le chômage et la malnutrition se sont installés en force. Oum Mahmoud, femme au foyer âgée de 40 ans et mère de 4 enfants nous a déclaré : « Je remercie Dieu en toutes circonstances, mais nous accueillons le mois du Ramadhan dans des conditions économiques et financières difficiles, surtout à cause du non-paiement des salaires de mon mari, fonctionnaire de l'Autorité palestinienne, depuis plus de 6 mois. Nous avons l'habitude de bien garnir la table mais cette année je doute qu'on puisse le faire surtout que le mois sacré survient juste après la rentrée scolaire et ses dépenses. Nous avons dû acheter les vêtements des enfants par crédit espérant pouvoir être payés avant l'arrivée du Ramadhan. De mon côté, comme j'ai vécu ainsi que mon mari une partie de notre vie en Algérie, je leur garantirai une chorba quotidienne et je ferai tout mon possible de présenter à ma famille une table acceptable même si les moyens sont faibles, pour que les enfants ressentent la joie de ce mois sacré ». Rachida Abou Chaouich, speakerine à la télévision palestinienne, mère de 3 enfants, d'origine algérienne dont l'époux palestinien a fait ses études en Algérie, nous a dit : « Je suis à Ghaza depuis plus de 10 ans, mais je ne me rappelle pas d'une période aussi difficile que celle-ci. Depuis le début de l'embargo international décrété contre le gouvernement formé par le Hamas, nous n'avons pas reçu nos salaires, ce qui a eu des répercussions désastreuses sur la vie quotidienne de ma petite famille. Même durant les périodes les plus chaudes de l'Intifadha et le risque quotidien que chacun ressentait, on pouvait poursuivre notre vie presque normalement. Avec le Ramadhan, les choses sont encore plus difficiles. Si on ne reçoit pas de salaires, j'ai bien peur de ne pouvoir offrir à mes enfants l'atmosphère dans laquelle ils avaient l'habitude de passer le mois sacré, ce qui me fait très mal. Vous savez, je connais des gens appartenant à la classe moyenne avec un train de vie digne qui ont chuté dans la classe des pauvres. La mendicité, les gens qui font les poubelles n'ont jamais été autant nombreux, c'est presque la crise humanitaire. Il faut que cela cesse ». Saïd, propriétaire d'un supermarché à la rue Al Nasr à Ghaza nous a indiqué : « Les répercussions de l'embargo sont néfastes pour tout le monde. Une grande majorité de mes clients sont des fonctionnaires. Depuis le gel des salaires, mon chiffre d'affaires a baissé de moitié. Beaucoup d'entre eux achètent maintenant par crédit, mais cela dure depuis 6 mois et je commence à m'essouffler. Je crains de ne plus pouvoir continuer à ce train, car les grossistes veulent être payés et je n'arrive pas à le faire. A quoi bon ramener de la marchandise si les gens n'ont pas d'argent pour acheter. Nous espérons que le gouvernement tiendra sa promesse de verser un salaire complet au début de ce mois sacré pour que l'on puisse tenir le coup, sinon ce serait une catastrophe ». Ainsi, le simple citoyen est la principale victime de l'embargo international et du blocus israélien imposé aux territoires palestiniens. La classe moyenne a été la plus affectée. La grève générale et illimitée des fonctionnaires entamée le 2 septembre se poursuit encore. Selon les responsables des différents syndicats, elle ne prendra fin qu'après un changement de cette situation qui met en danger la continuité même de l'Autorité palestinienne en tant qu'organisme politique gérant la vie des Palestiniens vivant dans les territoires, dont les retombées humaines et sécuritaires constitueront un danger pour toute la région.