Les Palestiniens ont vécu dimanche une des journées les plus tristes de leur histoire. La décision du ministre palestinien de l'Intérieur, Saïd Siam, de déployer des centaines de membres de la force exécutive rattachée à son ministère, constituée essentiellement de membres des brigades Ezzeddine Al Qassam, la branche armée du Hamas, dans le but déclaré de mettre un terme par tous les moyens au mouvement de protestation des fonctionnaires palestiniens civils et militaires, n'ayant pas reçu de salaires complets depuis 7 mois consécutifs, a été désastreuse. 9 Palestiniens ont été tués et 135 autres ont été blessés lors des heurts armés entre les manifestants, dont beaucoup de militaires et la force du ministère de l'Intérieur. A aucun moment depuis la venue du mouvement Hamas au gouvernement en mars dernier, les événements n'ont été aussi sanglants. Pendant une journée, la bande de Ghaza s'est transformée en un champ de bataille où des Palestiniens se sont entretués. Ghaza, Khan Younès, Al Boureij, Beni Souheila, ont vécu une atmosphère de guerre civile. D'un côté, des hommes du ministère de l'Intérieur appliquant les ordres à la lettre avec la gâchette facile, de l'autre des civils ainsi que quelques dizaines de membres des services sécuritaires réclamant le paiement de leurs salaires. Les incidents ont éclaté dans la matinée à Khan Younès au Sud et se sont vite propagés à la ville de Ghaza où sont tombées la plupart des victimes, ainsi qu'à d'autres localités. Les rafales incessantes des armes automatiques, la fumée noire et épaisse qui assombrissait le ciel, les ambulances qui sillonnaient sans arrêt les rues presque vides ont plongé, pour une journée, la bande de Ghaza dans l'effroyable atmosphère de la guerre fratricide que tout Palestinien redoute. La tristesse, la peur, la colère se lisaient sur le visage des citoyens qui tentaient de comprendre ce qui se passait exactement. Beaucoup avaient peur pour leurs enfants à leur sortie d'école. D'ailleurs, 2 adolescents de 15 et 16 ans figurent parmi les morts. Les heurts se sont poursuivis pendant toute la journée et une partie de la nuit. Dans l'après-midi à Ramallah en Cisjordanie occupée, en réaction aux événements de la bande de Ghaza, des centaines de manifestants ont mis le feu au siège du gouvernement. Ils ont également incendié des bureaux avoisinants après avoir saccagé les locaux du groupe parlementaire du Hamas. Dans un discours à la nation diffusé à partir de la capitale jordanienne où il est en visite, le président palestinien Mahmoud Abbas a interpellé le chef du gouvernement de tout faire pour un retour au calme. « J'ordonne le retrait de la force exécutive vers ses anciennes positions et j'appelle le gouvernement et son chef à prendre les mesures nécessaires pour contenir la crise. » Il a ajouté : « Je répète mes instructions aux membres des forces de sécurité de regagner leurs positions et de mettre fin aux protestations. » Dans un souci d'apaiser les tensions, le gouvernement a immédiatement accédé à la requête du président et « décide de redéployer la force exécutive dans ses anciennes positions », a affirmé Khaled Abou Hillal, un porte-parole du ministère de l'Intérieur. De son côté, le Premier ministre, Ismaïl Haniyeh, a appelé au calme et demande aux « citoyens de faire preuve de responsabilité et de se placer au-dessus des différends ». Hier, même si l'atmosphère restait toujours tendue, surtout avec les cérémonies d'enterrement des victimes des affrontements et les réactions de leurs familles qui peuvent être imprévisibles, les membres de la force exécutive étaient beaucoup moins visibles. Par contre, des membres des forces de la sécurité nationale étaient présents à tous les carrefours de la ville de Ghaza . Ce qui s'est passé dimanche dans la bande de Ghaza est le dépassement de cette fameuse ligne rouge représentant la guerre fratricide. Le président Abbas a toujours déclaré qu'il ne tolérerait jamais que soit franchie cette ligne rouge. Les Palestiniens de tout bord ne cessent de répéter ce slogan, mais ce qui a été vécu dimanche sur le terrain laisse planer un gros doute sur l'avenir de la paix civile dans les territoires palestiniens. Les différends entre les deux principales forces palestiniennes, le Fatah, le plus ancien des mouvements nationalistes, actuellement dans l'opposition, et le Hamas qui a réussi à gagner une grande majorité des sièges du conseil législatif aux dernières élections, les empêchent de former un gouvernement d'union nationale capable de faire sortir le système politique palestinien de l'impasse actuelle. La faute à ne pas faire est de transposer ces différends politiques à la rue. La société palestinienne, déjà fatiguée par des années sanglantes d'Intifadha parachevées par un embargo international couplé à un état de siège imposé par Israël aux territoires, ne peux admettre cette guerre fratricide dont personne ne sortira vainqueur. Les Palestiniens, qui font face à des menaces israéliennes réelles d'une réoccupation de la bande de Ghaza, se doivent de trouver une issue à leurs divergences, car les balles israéliennes n'ont jamais fait de distinction entre eux.