Si le «groupe des 16» est définitivement convaincu que le président de la République ne les recevra pas, alors il n'a d'autre solution que de se tourner vers l'opinion publique nationale. Il devra livrer aux Algériens ses informations sur ce qu'il a qualifié de «graves détournements de la décision présidentielle» et de «dangereuses dérives des institutions» de la République. Il ne peut plus garder pour lui les faits qu'il détient dès lors que le chef de l'Etat ne voudrait pas en prendre connaissance, par son libre arbitre ou parce qu'une ou plusieurs forces (lesquelles ?) l'en empêcheraient. Le «groupe des 16» a jeté un pavé dans la mare et a déstabilisé le sérail. Ses accusations sont aujourd'hui sur la place publique et ne lui appartiennent plus. Les Algériens ont suffisamment de discernement pour faire bon usage des faits qu'il serait susceptible de leur livrer, c'est-à-dire les interpréter dans le sens de l'intérêt national. Une convergence d'idées pourrait se créer entre le groupe et l'opinion publique et ce serait un excellent pas pour la recherche de la vérité dans le maelstrom de mauvaise gouvernance qui engloutit le pays. En elle-même, l'initiative des 16 a été une preuve de courage, notamment pour les personnalités qui ont toujours soutenu, contre vents et marées, le président Bouteflika, ne se permettant aucune remarque à son égard, de quelque nature qu'elle soit. Ce courage, le groupe l'a poursuivi aujourd'hui en cassant un tabou, celui d'un Président omnipotent, seul dans sa tour d'ivoire, faisant et défaisant les hommes et les événements. Bouteflika est pris en otage, dit-il, ni plus ni moins. L'initiative a suscité le courroux de ceux qui se sont autoproclamés gardiens du temple, à la faveur de la maladie du président de la République. Ces derniers ont dressé un cordon sanitaire autour de lui, s'en sont approprié, parlant en son nom, à leur tête les patrons de deux des partis de la défunte coalition présidentielle, Amar Saadani et Ahmed Ouyahia. Ceux-ci ont fini par révéler leur vrai visage en se livrant une guerre sans merci, ne s'embarrassant même pas d'afficher une entente de façade. En réalité, Abdelaziz Bouteflika ne les a jamais intéressés. Ni sa politique ni sa santé. Le chef de l'Etat n'a été pour eux qu'un faire-valoir et un tremplin. Avec sa santé déclinante, il est devenu un instrument entre leurs mains et entre celles d'autres personnalités de son entourage immédiat. Dénoncée par le «groupe des 16», l'usurpation des prérogatives présidentielles est un aspect essentiel de la grave crise politique que traverse le pays. Elle peut expliquer nombre de faits constatés ces derniers mois, parmi eux le limogeage brutal de généraux accompagné d'emprisonnements inexpliqués, les scandales à répétition liés à la corruption (Sonatrach, autoroute Est-Ouest), les campagnes contre des personnalités de la société civile (Issad Rebrab). Sur fond de grave crise économique qui rogne les quelques acquis sociaux enregistrés ces dernières années et qui risque, si aucun sursaut politique n'est enregistré, de faire basculer la population dans la précarité la plus totale. Sans oublier les périls sécuritaires qui menacent le pays tant au plan interne qu'au niveau des frontières. Ce qui vient de se passer en France interpelle également l'Algérie, mise elle aussi dans le collimateur du groupe Daech et des groupes qui lui sont affiliés sur le territoire national. Les Algériens doivent être informés de tout ce qui se passe dans leur pays, bien plus que ne le fait la presse, forcément d'une manière incomplète. Le «groupe des 16» peut les aider en se tournant vers eux. S'il ne le fait pas, son initiative n'aura servi en fin de compte à rien, sinon à créer un buzz médiatique. Elle serait frappée de suspicion…