Les initiateurs de la demande d'audience au président Bouteflika ne sont pas des novices, encore moins des ignorants en matière de fonctionnement des affaires du sérail. En décidant de rendre publique leur demande d'audience, ils savaient pertinemment que le Président n'allait pas les recevoir. Même du temps où il était au mieux de sa forme, le président Bouteflika n'a jamais accepté qu'on l'interpelle. L'on se souvient de la virulente réponse apportée à l'ambassadeur Abdelkader Hadjar, qui avait osé l'interpeller, pour moins grave que cela. L'on se souvient, surtout, de sa réponse au vitriol au général à la retraite Khaled Nezzar, alors qu'il était en campagne pour son premier mandat présidentiel. Le président Bouteflika n'est pas du genre à accepter qu'on lui dicte sa démarche, et cela, tout son entourage, à commencer par le groupe des "dix-neuf" le sait. Au-delà du fait que rien, dans la Constitution, n'oblige le président Bouteflika à répondre à une quelconque interpellation, même venant du Parlement, l'initiative des "dix-neuf" avait ce cachet quelque peu provocateur, en ce sens que les personnalités signataires demandent à voir le Président pour vérifier s'il est au courant de ce qui se passe dans le pays et si c'est lui qui décide encore de tout. En optant pour un tel procédé, les "dix-neuf" voulaient prendre à témoin l'opinion publique et alerter sur une situation qu'ils jugent grave. Leur cible étant l'entourage immédiat du Président, accusé de cacher les vérités à ce dernier, et de décider à sa place. Les réactions épidermiques de Saâdani et d'Ouyahia, au lendemain de la publication de la lettre des "dix-neuf", renseignent sur l'extrême gêne provoquée par une telle initiative auprès de l'entourage du Président, qui se sent directement visé par cette sortie médiatique. Saâdani et Ouyahia n'ont pas répondu sur le fond de la lettre, mais sur la forme, en récusant aux "dix-neuf" le droit d'interpeller le président de la République. Plus qu'une simple demande d'audience, l'initiative des "dix-neuf" constitue un fait inédit, dans la mesure où elle émane de personnalités jadis proches du président Bouteflika et qui affirment, jusqu'à présent, leur soutien à ce dernier. Inédit aussi parce que c'est l'entourage du Président qui est visé et qui est accusé de prendre ce dernier en otage. Inédit surtout parce que l'état de santé du Président est remis, à nouveau, en débat public, non pas par l'opposition, mais par les proches du président Bouteflika. Le seul fait semblable remonte à 1988, en pleine tourmente des "événements" de l'époque. 18 personnalités, dont Abdelaziz Bouteflika, avaient écrit au président Chadli Bendjedid pour l'interpeller sur la gravité de la situation politico-économique du pays. Faut-il faire un parallèle entre les deux initiatives ? En tout cas, Amar Saâdani n'y est pas allé par quatre chemins pour suggérer que Louisa Hanoune obéirait à d'autres chapelles que le Palais d'El-Mouradia. Pour quelle finalité ? L'avenir nous le dira. A. B.