«Les réactions virulentes confirment nos appréhensions et nous confortent dans nos positions. Ceux qui ont versé dans la diatribe et l'insulte ont des choses à se reprocher.» Le groupe de personnalités ayant demandé audience au président Bouteflika tire déjà les premières conclusions de sa démarche. Une semaine après avoir rendu public le contenu de la lettre adressée le 2 novembre dernier à la Présidence, ses rédacteurs se disent convaincus que «la missive n'est pas parvenue à son destinataire». «Nous nous sommes réunis vendredi et nous nous sommes accordés sur un constat : c'est que nous en doutons très fort que le Président soit au courant de notre démarche», a lancé Louisa Hanoune lors d'une conférence de presse animée hier à Alger, conjointement avec d'autres initiateurs de cette démarche, dont Zohra Drif-Bitat, Lakhdar Bouregaâ et Djilali Guerroudj. Intervenant dans une salle de conférence du siège du Parti des travailleurs (PT), bondée de journalistes venus aux nouvelles à propos de cette action qui a marqué la scène nationale en ce début novembre, ils ont tenté de tirer au clair toutes les questions qui suscitent la polémique. D'abord sur l'objectif de l'action. Louisa Hanoune, Zohra Drif-Bitat, Lakhdar Bouregaâ, Djilali Guerroudj et même Khalida Toumi, présente dans la salle, réaffirment d'emblée qu'ils n'ont «pas d'autre visée à part celle d'informer le chef de l'Etat de la gravité de la situation». «Notre démarche est légale. Nous sommes des légalistes et non des putschistes. Nous n'avons pas demandé au président Bouteflika de se retirer pour prendre sa place. Nous n'avons pas de visées occultes. C'est le Président qui est responsable de la sécurité du pays. Nous ne sommes pas un gouvernement parallèle ou un pouvoir de l'ombre, comme celui qui existe actuellement dans notre pays», lance Louisa Hanoune. Dans ce sens, la patronne du PT réitère la demande du groupe à voir le chef de l'Etat : «Nous voulons le voir. S'il n'est pas en mesure de parler, il doit nous écouter. C'est notre droit de demander audience. Nous n'exerçons pas un chantage sur le président de la République.» Et d'annoncer la décision du groupe d'attendre encore une réponse du locataire d'El Mouradia : «Le militant politique doit avoir le souffle long. Nous allons attendre. Nous réitérons notre demande à voir le Président et non pas quelqu'un d'autre.» «De quoi ont-ils peur ?» Une grande partie de cette conférence a été consacrée à analyser et à répondre aux attaques virulentes dont le groupe des 16 fait l'objet de la part des responsables du FLN et du RND. «Ces réactions confirment nos appréhensions et nous confortent dans nos positions. Ceux qui ont versé dans la diatribe et l'insulte ont des choses à se reprocher», explique Zohar Drif-Bitat. «De quoi ont-ils peur ?» demande, de son côté, Louisa Hanoune, qui n'a pas mâché ses mots pour rendre la monnaie de la pièce aux responsables du FLN et du RND, ainsi qu'aux détenteurs de «ce pouvoir occulte». Elle dénonce d'abord la censure de leur démarche par les médias publics : «Ni l'agence officielle ni la télévision, la radio et les journaux publics n'ont soufflé mot de cette action. En revanche, quand il s'agit du retrait des trois personnalités du groupe, c'est l'APS qui a été la première à donner l'information. Cela s'appelle de la censure qui n'est pas le fait du président de la République ou du Premier ministre», dit-elle. Selon Mme Hanoune, «ce sont ceux qui ont confisqué le pouvoir et qui prennent les décisions au nom du Président qui sont à l'origine de cette décision et ils veulent, à travers cette censure, lancer un message». «Ce pouvoir parallèle veut nous dire que désormais, c'est le totalitarisme. Tout le monde doit être mis au pas. La pratique politique indépendante est criminalisée. Cette campagne féroce contre les signataires de cette lettre vise à interdire l'expression libre. Seuls les courtisans, la clientèle et les prédateurs ont le droit d'utiliser tous les médias publics et privés», condamne-t-elle. Et d'enchaîner : «Même au temps du parti unique, cela ne se passait pas ainsi. Cela traduit une panique généralisée.» Les conférenciers révèlent également l'existence de véritables pressions sur les signataires de cette démarche qui ont conduit au retrait des trois. «Ce sont des pratiques de gangsters. Mais nous ne reculerons pas», assure Louisa Hanoune, qualifiant de «très positif l'écho de la démarche dans la société». Bouregaâ : «Bouteflika assigné à résidence surveillée» Commentant lui aussi les violentes réactions suscitées par la démarche et l'absence de réponse du président Bouteflika, Lakhdar Bouregaâ lâche : «Pour ne pas dire qu'il est séquestré, je dirais que le Président est assigné à résidence surveillée !» Poussant le bouchon plus loin, les conférenciers accusent même ceux qui gouvernent au nom de Bouteflika «de lui mentir» et «de lui montrer de faux documents». «La situation est grave. Nous voulons rencontrer le chef de l'Etat pour lui demander s'il était d'accord pour que des militaires français reviennent en Algérie alors qu'il est encore en vie», déclare encore Zohra Drif-Bitat, en citant le contenu du fameux décret qui a révélé la présence de militaires français sur le territoire national.