Des enfants en bas âge portant des kamis et des chéchias s'empressent de rejoindre leurs maisons. Il est 17h, ces chérubins parmi lesquels se trouvaient même des filles venaient juste de sortir d'une séance de cours coranique à la mosquée. On est au village agricole Omar, à 3 km à l'ouest de Bordj Menaïel (Boumerdès), créé dans les années 1970 pour donner un nouveau souffle à la politique du renouveau rural, chère au président Houari Boumediene. Les routes qui y mènent sont dans un état déplorable. Un groupe de personnes de troisième âge s'adonne à une partie de dominos devant une baraque de fortune qui fait office de cafétéria. Quelques mètres plus loin, un projet à l'architecture arabo-islamique attire les regards. Il s'agit du chantier de la bibliothèque, une structure qui se fait attendre depuis des années par les férus de la lecture et une jeunesse en proie à toutes les dérives. «On n'a rien ici. Même pas un foyer de jeunes», se plaint Yahiaoui Lounès, un retraité de l'éducation. Selon lui, le village a beaucoup changé. «A l'époque, tout fonctionnait à merveille ici. Les gens étaient enthousiastes et on avait même un bain maure», se souvient-il. Aujourd'hui, la localité n'a rien à envier à un bidonville. Tout semble squatté ou édifié illégalement. Les espaces verts qui faisaient le charme du village ont cédé la place aux constructions illicites. La plupart des infrastructures publiques construites pour répondre aux besoins des habitants sont transformées en bâtisses à usage d'habitation. Un problème qui se pose à Labid (Isser), Boudjellal El Ghorf (Naciria) Boudhar (Si Mustapha) et bien d'autres villages agricoles (une quinzaine) de la wilaya. Ces localités sont devenues des cités-dortoirs rongées par les fléaux sociaux à cause de l'absence de structures de divertissement et autres. Des structures publiques squattées «L'ancien centre de soins est squatté depuis 1995 par quatre familles sans domicile. A défaut de les évacuer des lieux ou les reloger, les autorités locales n'ont pas trouvé mieux que de construire une nouvelle unité de soins à côté, mais on est resté sans couverture médicale durant plus de quinze ans», regrette Lounès. Même le bain maure et une partie de Souk El Fellah sont squattés, a-t-on constaté Les maisons aux façades jaunes et au toit rouge sont complètement défigurées à cause des extensions anarchiques. Rien n'indique qu'on est dans une localité censée incarner le travail de la terre. Les ruelles sont couvertes de poussière et de boue en certains endroits à cause des fuites d'eau. «Le peu de bitume qui reste a été arraché par l'entreprise qui a pris le projet de gaz naturel, bloqué depuis un an pour absence de budget. Nous dormons sous la conduite qui transporte le gaz vers l'Italie, mais nous nous chauffons, à ce jour, à l'aide du gaz butane», s'indigne Rabah Slimani. Chômeur de son état, ce trentenaire vit comme la plupart des jeunes du village grâce au travail saisonnier. «Ce que je gagne en été, je le dépense en hiver», dit-il. Les terres agricoles, qui faisaient vivre des milliers de familles de la région, se sont rétrécies comme peau de chagrin à cause de l'avancée du béton. Au rythme où vont les choses, dans dix ans il n'y aura aucun lopin de terre à cultiver. Les surfaces devant abriter des champs de blé ou les cultures maraîchères sont désignées pour accueillir des projets de logements. C'est ainsi qu'on a «tué» la politique et dynamique enclenchées par Houari Boumediene pour développer l'agriculture et garantir la sécurité alimentaire des générations futures.