Karim Sergoua a choisi la galerie Sirius du Télémly, à Alger, pour dévoiler, jusqu'au 2 décembre prochain, sa toute nouvelle collection. Une collection qui se caractérise par une belle approche artistique. Karim Sergoua ne cessera jamais de nous étonner. Il aime bien lancer des mots afin de donner libre cours aux visiteurs de philosopher. Preuve en est avec le titre choisi pour cette présente exposition. «Vendredi 13» n'est autre que la disponibilité de la galerie à cette date-là, puisque les vernissages se déroulent uniquement les vendredis dans cet espace dédié à la création artistique. Quant à «Purification», cet intitulé était inévitable, d'autant plus qu'après trente ans de carrière artistique, quelque chose de pur devait s'imposer à l'artiste. C'est justement cette maturité plastique qui se donne à voir à travers cette nouvelle exposition personnelle. Si Karim Sergoua a participé à plusieurs expositions et projets collectifs, il signe là sa sixième exposition de peinture en trente ans de carrière. L'exposition en question a vu le jour grâce, entre autres, au concept américain «crowdfunding». Il s'agit d'un concept qui repose sur une aide matérielle et financière émanant d'amis artistes. Se donnant à découvrir sur deux niveaux, l'exposition comporte 32 tableaux et 3 céramiques avec en prime l'utilisation de plusieurs supports dont la terre cuite, la toile, le bois et le papier. Des supports qui n'ont aucun secret pour Karim Sergoua. Pour ceux qui connaissent le parcours de l'artiste, ils sont tout de suite séduits par ce tournant vertigineux qu'a pris Karim Sergoua dans sa nouvelle démarche artistique. Une purification de l'espace de travail à l'état pur se dégage de l'ensemble des œuvres exposées avec, toutefois, cette expression qui reste la même. Le plasticien explique que quand une toile est épurée, elle devient encore plus forte. «Je joue, dit-il, sur cela et ce n'est qu'un début en fait. Je suis arrivé à une certaine maturité plastique, où je n'ai plus droit à l'erreur. Trente ans de pratique, c'est énorme. Quand on arrive à un certain stade, on comprend mieux les choses. On a une responsabilité plastique par rapport aux étudiants, aux amis et aux gens qui vous suivent. On doit donner des choses. On n'a pas le droit de tout garder. On n'a pas le droit de stagner». Les thèmes abordés découlent, généralement, du patrimoine rural, traditionnel, africain, berbère et maghrébin. Dans certaines des œuvres, on retrouve des indices de la décennie noire avec ses silhouettes asexuées, anonymes, ployant dans un espace redondant de symboles berbères et de gravures rupestres du Tassili N'jjer. L'œuvre plurielle intitulée Ya kho Edar se décline sous la forme d'un pack de quatre tableaux aux diverses dimensions. Le plasticien éclaire : «C'est la famille au premier degré. C'est à la fois l'Etat, la nation et le politique. On commence à en avoir marre. Tout le monde veut nous squatter. On n'arrête pas d'être en révolution. Avec tous les problèmes que l'Algérie a vécus, je suis convaincu que nous sommes une grande famille. On a trop perdu de choses. Je ne pense pas qu'on puisse nous toucher maintenant dans ce sens-là. La symbolique de la famille est importante.» Au détour d'un champ de vision, on tombe sur six petits tableaux carrés laissant deviner six visages de sages - venus d'horizons divers - badigeonnés au chaulage. Des clous sont même visibles au niveau de la partie supérieure des tableaux. Façon singulière de lutter contre le mauvais œil. Dans l'ensemble des œuvres qui se donnent à voir, la fonction de la lumière est essentielle. Cette dernière coule dans l'œuvre, comme l'énergie dans un corps. La lumière est chez Karim créatrice et rend la vie à une œuvre. Mieux encore, Karim Sergoua fait un clin d'œil à ses premières amours en dévoilant le visage de l'un des anciens modèles, qui n'est autre que sa belle-sœur Zineb. Le visage est enduit d'une superposition de peintures de couleur blanche. Pour rappel, entre les années 80' et 90', le plasticien s'est intéressé au travail corporel, notamment sur le tatouage et le henné. C'est parce que Karim Sergoua n'aime pas les encadrements qu'il présente ses œuvres à l'état pur. «La peinture n'est pas une science exacte. Je suis plasticien. Quand j'expose, c'est une responsabilité. Je veux que l'acquéreur, le client ou le collectionneur comprenne ce souci du détail», conclut-il.