Première vive réaction après la condamnation par le tribunal militaire d'Oran, jeudi dernier, à 5 ans de prison ferme de l'ancien patron de la lutte antiterroriste, le général Abdelkader Aït Ouarabi dit Hassan. Dans une contribution publiée hier par le journal électronique Algérie Patriotique, l'ancien ministre de la Défense, Khaled Nezzar, la qualifie tout simplement de «criminelle et infamante». «Je suis surpris par la sévérité de ce jugement qui efface d'un trait toute une carrière d'un homme qui a voué sa vie au service de la nation», a indiqué, Khaled Nezzar. «L'énoncé de ce verdict d'une telle sévérité» n'a pas manqué de «l'interpeller en sa qualité de militaire et en tant qu'ancien ministre de la Défense nationale». «C'est cette qualité et celle aussi d'ancien chef d'état-major de l'ANP qui me désignent, beaucoup plus qu'une autre, pour me prononcer sur les fâcheuses conséquences que pourrait avoir la décision du tribunal militaire d'Oran», souligne Khaled Nezzar, pour qui «les délits», qualifiés d'«infractions aux consignes générales de l'armée», n'auraient jamais dû relever du domaine pénal ; ils auraient dû se «limiter à l'aspect disciplinaire». L'ancien chef d'état-major trouve qu'«il est curieux d'exiger d'un chef des Services de renseignement de respecter des consignes générales, alors que ses missions imposent que l'on s'affranchisse parfois de la contrainte imposée par les règles et la transparence». «D'où le huis clos demandé par le tribunal.» «La mission est la signification même de l'accomplissement des tâches au sein des forces armées, notamment lorsqu'il s'agit de missions spéciales et, de surcroît, lorsqu'elles sont secrètes», explique-t-il. Khaled Nezzar affirme qu' «il n'y a pas, de par le monde, un pays qui ne dispose pas de Services secrets car le bon fonctionnement des Etats et de l'exercice de la souveraineté l'exigent». «En matière de renseignement et d'opérations secrètes, la règle pour les responsables qui y activent est de ne jamais dévoiler leurs sources ni les membres des réseaux qui les assistent», souligne l'ancien ministre de la Défense. Et «la destruction de documents qui se rapportent à ces aspects, dit-il, peut se comprendre». Selon lui, «l'impératif de cloisonnement pour la sécurité et l'anonymat des collaborateurs le commande». «Seuls une meilleure définition des attributions et l'établissement de relations fonctionnelles claires sont en mesure d'y remédier», soutient Khaled Nezzar, pour qui le jugement énoncé au tribunal militaire d'Oran «peut faire jurisprudence et, dans ce cas-là, les conséquences seraient fâcheuses, surtout eu égard à la confiance que doivent nourrir les soldats, sous-officiers et officiers vis-à-vis de leur hiérarchie». «C'est pourquoi je considère, en mon âme et conscience, que le verdict doit donner lieu à un recours devant la Cour suprême», souligne en effet l'ancien ministre de la Défense, qui rappelle «le sacrifice de milliers de militaires parmi lesquels plus d'un tiers sont des officiers». «Comment ne pas réagir, alors que l'on voue aux gémonies un corps qui a consacré sa vie à la sauvegarde des institutions de la République et, plus particulièrement, celle de l'institution présidentielle et à sa tête le président de la République, pendant plus de 50 ans» s'interroge-t-il, en soulignant le rôle essentiel joué par l'ANP dans la préservation de «la stabilité des institutions». «Dégager un officier parce qu'il ne convient pas ou parce que ses conseils francs et directs dérangent est inadéquat, surtout lorsqu'il s'agit d'un haut cadre, qui plus est qui a été aux commandes d'une institution très sensible.» «Il est curieux que ce procès intervienne à ce moment précis où des turbulences sont constatées au plus haut sommet de l'Etat – la maladie du Président, la course effrénée pour le pouvoir, la lutte des clans et j'en passe», assène l'ancien ministre de la Défense, qui estime que «les déclarations et les postures des uns et des autres sont la preuve irréfragable que quelque chose va mal dans la maison Algérie». «Je me pose la question, en cette période d'incertitudes, de savoir si le général Hassan n'a pas servi d'alibi aux commandeurs de cette mascarade», dénonce Khaled Nezzar, qui affirme que «le général Hassan méritait, tout au plus, une sanction militaire de quelques jours de forteresse». L'ancien ministre de la Défense confirme dans sa contribution que le général de corps d'armée Mohamed Mediène (ancien patron du DRS), alors qu'il était encore en service, avait, à travers une correspondance adressée au président de la République, «expliqué les tenants et les aboutissants de cette affaire». «Il avait souligné, dit-il, qu'en tant que chef hiérarchique direct du général Hassan, il était responsable de tout ce qui pouvait être reproché à ce dernier et qu'en conséquence, il en assumait l'entière responsabilité.» «Il n'y a pas eu de réponse ce jour…», a-t-il affirmé.