Le président tunisien Béji Caïd Essebsi a appelé, avant-hier, à une union sacrée, basée sur la paix sociale et la stabilité, pour espérer vaincre le terrorisme et attirer les investissements. «Le gouvernement ne peut pas entamer de véritables plans de relance économique sans parvenir à la stabilité, qui est, elle-même, synonyme de réussite dans la lutte contre le terrorisme. Or, cette tâche fondamentale exige une union sacrée de toutes et de tous», a lancé Béji Caïd Essebsi à l'adresse des partis politiques, des organisations nationales et du peuple tunisiens. Le danger terroriste a atteint une situation nécessitant l'intervention du président tunisien pour essayer de remettre les pendules à l'heure. Trois opérations terroristes ont frappé le pays en huit mois, entraînant 73 morts, en plus des arrestations de centaines de terroristes et des découvertes de dizaines de caches d'armes. «Il faut réagir rapidement et efficacement», a dit M. Caïd Essebsi. Appels Dans cet ordre d'idées, le président tunisien a appelé la centrale syndicale UGTT et l'organisation patronale Utica à régler leurs différends sur les augmentations de salaires dans le secteur privé d'ici le 10 décembre, date à laquelle les représentants de ces deux organisations se rendront à Oslo, aux côtés de la Ligue des droits de l'homme et de l'Ordre des avocats pour recevoir le prix Nobel de la paix. Prix décerné au Dialogue national en Tunisie pour avoir contribué efficacement à la réussite de la transition démocratique. «La paix sociale est fondamentale pour créer le climat propice à relever les défis de la bataille contre le terrorisme», a notamment dit M. Caïd Essebsi. Syndicats et patrons en sont arrivés aux grèves et, même, à un appel à la grève générale dans le secteur privé. Le discours a également comporté un appel à Nidaa Tounès, le parti fondé par Béji Caïd Essebsi en 2012 et qui a remporté les dernières élections législatives et présidentielle, à «se ressaisir». Le premier parti au Parlement est déchiré, depuis des mois, par une guerre des chefs, après que M. Caïd Essebsi ait quitté sa tête pour devenir «le Président de tous les Tunisiens». Le chef de l'Etat a en outre reconnu que Nidaa Tounes traverse une «grave crise et la situation semble être dans une impasse», l'obligeant à intervenir. Le Président a annoncé avoir choisi 13 personnalités pour qu'elles jouent le rôle de médiateurs entre les deux camps qui se disputent la direction du parti, dont l'un est mené par son propre fils Hafedh Caïd Essebsi, alors que l'autre est conduit par l'actuel secrétaire général, Mohsen Marzouk. Réactions Syndicats et patronat sont revenus aux négociations sociales depuis jeudi dernier, suite à l'attentat meurtrier qui a secoué le centre-ville de Tunis. «Nous allons trouver un compromis. Ce n'est pas normal que l'UGTT et l'Utica, qui ont dirigé le Dialogue national qui a abouti à la réussite de la transition démocratique en Tunisie, ne parviennent pas à s'entendre», a déclaré Belgacem Ayari, secrétaire général adjoint de l'UGTT, chargé du secteur privé. Et d'ajouter : «Normalement, nous allons parvenir à un accord avant le 10 décembre, date de la remise du prix Nobel de la paix à Stockholm.» De son côté, le porte-parole du mouvement Ennahdha, Ajmi Lourimi, considère que le président de la République n'a pas outrepassé ses prérogatives. «Ce qui se passe au sein de Nidaa Tounes a un impact direct sur la situation dans le pays. Le Président a donc la latitude d'agir pour l'intérêt du pays», souligne Lourimi. Mais, le discours du chef de l'Etat a également soulevé de nombreuses critiques. Le secrétaire général du parti Al Massar, Samir Taïeb, a dénoncé le fait que «le Président ait plus parlé de son parti que de la lutte contre le terrorisme, alors que le pays est en état d'urgence et le Grand Tunis est encore sous couvre-feu». Dans le même sens, le parti du peuple, Chaâb, (3 députés) a publié un communiqué signé par son secrétaire général, Zouhair Maghzaoui, appelant à mettre un terme à cette «flagrante menace pesant sur la transition démocratique» et à auditionner le président de la République, pour avoir «outrepassé ses obligations constitutionnelles» d'être au-dessus des partis, tel que le stipule l'article 76 de la Constitution. Sur un autre plan, il est important de signaler que la masse salariale des employés de l'administration publique tunisienne s'élèvera, en 2016, à 13 milliards de dinars, alors qu'elle n'était que de 7,286 milliards de dinars en 2011, ce qui signifie qu'elle a enregistré une envolée de 78%. Elle représente actuellement près de 17% du PIB, une dérive pointée du doigt à deux reprises en moins d'une année par le Fonds monétaire international (FMI), qui a appelé les autorités tunisiennes à contenir cette grandissante masse salariale du secteur public.