La transition démocratique en Tunisie franchit une nouvelle étape avec l'entrée en action de la Chambre des représentants du peuple, élue le 26 octobre dernier. Tunis De notre correspondant Les nouveaux élus tunisiens se sont réunis, mardi, pour la première fois, dans l'hémicycle de la Chambre des représentants du peuple du Bardo. Après une séance protocolaire, associant les anciens membres de l'Assemblée nationale constituante (ANC) aux nouveaux élus, en guise de symbolique de la réussite du passage de témoin, le président de l'ANC dissoute, Mustapha Ben Jaâfar, a appelé Ali Ben Salem au perchoir et lui a remis les rênes dès lors qu'il est le membre le plus âgé de la nouvelle Chambre. Dès le début de la séance inaugurale du Parlement, des divergences sont apparues en public entre les membres de Nidaa Tounes et d'Ennahdha, d'un côté, et ceux du CPR et du Front populaire, de l'autre, sur le timing de l'élection du président du Parlement. Les deux poids lourds de la scène politique ont demandé le report de l'élection, alors que les deux petits partis ont demandé l'application de l'article 59 de la Constitution, stipulant d'élire le président de l'Assemblée lors de la séance inaugurale.Des calculs politiques sont derrière cette divergence. Nidaa Tounes veut s'assurer de la présidence de la République, avant de commencer à distribuer le reste des postes, à savoir la présidence du gouvernement et celle de la Chambre des représentants du peuple. Il a fallu trouver le subterfuge de laisser la séance ouverte jusqu'à jeudi, afin de présenter des candidatures à la présidence et aux deux vice-présidences de la Chambre, et de trouver un éventuel consensus à cette problématique épineuse d'alliances. Le choix va systématiquement se répercuter sur le restant du calendrier politique, à savoir le deuxième tour de l'élection présidentielle et la composition du gouvernement. Tension autour du gouvernement «Il y avait le sentiment, avant-hier, que Nidaa Tounes veut tout reporter jusqu'à la fin de l'élection présidentielle, afin de s'assurer de l'application de tout le dispositif qu'il a tracé pour le pays, à savoir la présidence de la République à Béji Caïd Essebsi, la présidence du gouvernement à une compétence nationale consensuelle et la présidence de la Chambre des représentants du peuple à un membre qui ne soit pas de Nidaa Tounes», selon le politologue Slaheddine Jourchi. C'est d'ailleurs pour cette raison que Béji Caïd Essebsi ne s'est pas empressé de réagir aux agissements des structures de base d'Ennahdha lors du premier tour de l'élection présidentielle, quand elles ont appelé à voter pour Moncef Marzouki. «Béji Caïd Essebsi n'a pas crié vengeance et demandé d'isoler Ennahdha. Loin de là, BCE a préféré un ton réconciliant et proposé que le quartet du Dialogue national choisisse la personnalité devant diriger le gouvernement», ajoute Slaheddine Jourchi, convaincu que «c'était la feuille de route du président de Nidaa Tounes et qu'il voulait garder le cap au-delà des tracasseries du CPR et des bases d'Ennahdha». Cette idée d'associer le quartet parrainant le Dialogue national à la nomination du chef du prochain gouvernement, n'est pas partie de nulle part. Elle s'inscrit, en effet, dans une logique de poursuite du consensus ayant été à l'origine de la Constitution et de tout le processus électoral.Il est clair que Béji Caïd Essebsi considère que ce consensus est le garant de stabilité pour le prochain gouvernement, surtout qu'il aura à faire face à une situation socioéconomique très difficile. Le prochain chef de gouvernement devrait donc avoir l'aval de tout le monde, y compris la centrale syndicale, UGTT, et patronale, UTICA, pour que personne n'osera lui mettre des bâtons dans les roues. Du moins, pas pour ses 100 premiers jours. Avec cette démarche, la Tunisie est en train de franchir une nouvelle marche sur le chemin de la transition démocratique, en attendant que Béji Caïd Essebsi s'installe au palais de Carthage et que la reprise socioéconomique escomptée se réalise.