Dans les pays du Bassin méditerranéen, particulièrement ceux de la rive sud et du Maghreb, la rareté de l'eau est un facteur limitant le développement et source de tensions sociales, s'accordent à dire les spécialistes. Il est à prévoir une pression croissante sur la ressource en eau qui mettra des pays en situation de crise aiguë à l'horizon 2025. Décryptage des spécialistes du climat lors d'un colloque organisé à l'université de Constantine. L'eau est un enjeu du XXIe siècle. Cette ressource naturelle, vitale pour l'humanité, devient de plus en plus rare et précieuse. Aujourd'hui, on estime à plus d'un milliard le nombre d'êtres humains qui n'ont pas accès à l'eau potable. Ce qui a incité l'Organisation des nations unies (ONU) à proclamer dans une résolution, le 28 juin 2010, l'accès à l'eau potable comme un droit de l'homme. «Droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l'homme.» La disponibilité de ce liquide varie d'un continent à l'autre. Selon les statistiques officielles, la consommation d'eau en Europe est de 150 litres/jour par personne. Dans les pays pauvres, elle est de 10 litres/jour/personne seulement. Des écarts qui se creusent entre les pays du Sud et ceux du Nord. Des disparités que les décideurs projettent de réduire à chaque sommet sur la Terre ou sur le climat, mais qui restent au stade des intentions et des vœux pieux. Dans le souci de lever le voile sur les perspectives d'avenir, notamment des pays du Sud, à travers les enjeux climatiques, l'université Mentouri de Constantine a abrité la 4e édition du Colloque international «Eau et climat : regards croisés Nord-Sud». Après la tenue des précédents Colloques, en France (Rouen 2012), au Maroc (Fès 2013), et en Tunisie (Hammamet 2014), la faculté des sciences de la Terre, de la géographie et de l'aménagement du territoire et le Laboratoire des sciences du territoire, ressources naturelles et environnement (Lasterne), ont organisé cette manifestation scientifique les 24 et 25 novembre sur le campus Slimane Zouaghi, avec la participation de spécialistes de plusieurs pays : Algérie, Tunisie, Maroc, France, Cameroun et Pays-Bas, sous le thème «Défis de l'eau et stratégie d'adaptation autour du bassin méditerranéen». Une thématique d'une importance vitale et d'actualité à travers la planète et «dans les pays du Bassin méditerranéen où le phénomène du changement climatique est susceptible d'engendrer des perturbations majeures dans le cycle de l'eau et le fonctionnement des hydrosystèmes», ont souligné les organisateurs. Et d'ajouter que «ce colloque est organisé dans le but de rassembler la communauté scientifique autour de ces thématiques pour dresser un état des lieux, de l'échelle locale du bassin versant à l'échelle de la région méditerranéenne. Il offre l'occasion de confronter les résultats de plusieurs programmes de recherche, dont le projet «PHC Maghreb» (Partenariat Hubert Curien), en cours de réalisation, dans le cadre du réseau «Eau et climat au Maghreb». De sérieux défis Il est évident que la communauté internationale est interpellée dans son ensemble pour continuer les efforts amorcés. Ceux de l'ONU se poursuivent avec la proclamation de la période 2005/2015 «décennie internationale d'action, l'eau, source de vie». Dans les pays du bassin méditerranéen et particulièrement sur la rive sud et au Maghreb, la rareté de l'eau est un facteur limitant du développement et source de tensions sociales, s'accordent à dire les spécialistes : «Le stress hydrique qui caractérise la région maghrébine est susceptible de s'accentuer, compte tenu des changements climatiques actuels, entre autres, hausse des températures et perturbation du régime pluviométrique». Et les faits avérés sont là pour en témoigner «Les dernières projections du GIEC/IPCC (2014) sur le Bassin méditerranéen à l'horizon 2100 indiquent une augmentation des températures moyennes annuelles de +2,2 à +5,1°C et une diminution des cumuls pluviométriques annuels de -5 à -30%. Les conséquences seront potentiellement importantes, engendrant des perturbations majeures dans le cycle de l'eau et le fonctionnement des hydrosystèmes», a-t-on conclu. Les scénarios du Plan bleu pour l'environnement et le développement de la Méditerranée prévoient une pression croissante sur la ressource en eau, mettant des pays en situation de crise aiguë à l'horizon 2025, particulièrement au sud et à l'est du pourtour méditerranéen. Si les clignotants ne sont pas encore au rouge, l'alerte est déjà lancée pour anticiper cette adversité naturelle. L'ensemble des citoyens du monde sont donc appelés à une meilleure rationalisation de l'eau. Les habitants du Nord sont les premiers concernés, puisqu'il est de notoriété internationale que dans les pays développés, l'utilisation de l'eau potable frise, parfois, le gaspillage. Les experts préconisent une meilleure utilisation de l'eau, afin de prévenir les pénuries à venir ainsi que le recours à des systèmes d'irrigation plus économes pour l'agriculture. Les Etats et les acteurs économiques sont incités à lutter contre la pollution des eaux douces par les déchets industriels qui affectent les populations et les exposent à des maladies mortelles. Environ un million et demi d'enfants meurent ainsi chaque année de diarrhée aiguë dans le monde suite à la consommation d'eau infectée. Des stratégies à mettre en œuvre Dans cette optique, des propositions ont été faites lors des interventions durant ce colloque de deux jours. Christian Leduc, de l'Institut de recherche et de développement (IRD) de Montpellier, s'est penché sur la problématique des «perspectives de recherche sur l'eau à l'échelle du Bassin méditerranéen». Il a misé sur quelques stratégies globales et régionales à mettre en œuvre en vue de préserver cette ressource. Le cas de l'Algérie a été naturellement abordé. Selon un spécialiste de l'Institut d'éducation scientifique relative à l'eau Unesco-IHE, basé aux Pays-Bas, la problématique de l'eau, sa rareté ou de son optimalisation représentent un défi non négligeable. Selon les statistiques brandies, l'Algérie assistera à la diminution progressive de sa disponibilité en eau potable dans les 40 prochaines années. De 1700 m3 par an en 1960, cette quantité est passée à 493 m3 actuellement. Et ce n'est pas fini ! Selon les estimations du même expert, elle passera à 225 m3. La stratégie d'irriguer 2 millions d'hectares, ambitionnée par le gouvernement, serait fort compromise en raison d'un manque de capacités de stockage des barrages, sachant que 90% des ressources en eau, en Algérie, sont destinées à l'irrigation. Moins alarmiste, un autre spécialiste qualifie de «considérable» l'investissement algérien engagé dans le secteur de l'hydraulique qui est de «40 milliards de dollars». L'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a pris part à ce colloque par le biais de son représentant, Abdelouahab Belloum. L'initiative de cet organisme sur la pénurie d'eau au Proche-Orient et en Afrique du Nord a été exposée. Elle est axée essentiellement sur «l'identification des actions prioritaires dans la gestion et l'utilisation durable de l'eau aux fins d'accroître la productivité agricole et d'améliorer la sécurité alimentaire».