Le «reportage» controversé sur les résidentes des cités universitaires diffusé par la chaîne de télévision Ennahar a été largement critiqué par les professionnels des médias et présenté comme une agression et atteinte à la dignité des étudiantes, mais aussi comme une transgression flagrante et éhontée à la profession et aux règles d'éthique et de déontologie. L'adoption des amendements apportés au code pénal criminalisant la violence à l'égard des femmes n'est que le début d'une longue marche pour le rétablissement de tous les droits de la femme. Si l'on est arrivé à criminaliser la violence conjugale, il reste que les formes de violences sont multiples et diverses, souvent insidieuses. La violence est aussi dans un certain discours véhiculé par des médias ayant troqué leur rôle de moyen d'information pour devenir des «prêcheurs» de haine. La matière journalistique est transformée en produit habillé, maquillé et emballé au gré des politiques et des orientations pour être livré en produit fini à la consommation du public. Ce dernier n'est pas appelé à réfléchir, mais à consommer passivement un flux de messages. Et c'est là que se situe le danger, notamment lorsqu'il s'agit de traiter de questions liées aux rapports sociaux, à l'image et à la place de la femme dans la société. La télévision devient un fabriquant de l'imaginaire social, souvent dans un sens qui ne sert pas la femme, bien au contraire. Une violence de l'image et du discours est véhiculée pratiquement systématiquement au nom d'une soi-disant «morale sociale» par des chaînes de télévision soucieuses d'audimat. Le réseau Wassila/Avife et l'association Femmes en communication se sont associés autour d'un projet de sensibilisation des médias et des journalistes sur l'impact de l'image et du discours et de la violence contre les femmes. Réunissant journalistes, membres du mouvement associatif et réalisateurs de cinéma, un débat a été ouvert, hier, autour de «produits» médiatiques audiovisuels porteurs de signes de violence à l'égard des femmes. Le «reportage» très controversé sur les résidentes des cités universitaires diffusé par la chaîne Ennahar, qui avait soulevé un tollé d'indignation, a été largement critiqué par les professionnels des médias et présenté comme non seulement une agression et une atteinte à la dignité des étudiantes, mais aussi comme une transgression flagrante et éhontée de la profession et des règles d'éthique et de déontologie. Plus de vigilance Talk-show et feuilletons ont été passés au crible lors de cette rencontre, suscitant colère et indignation. «Quand on parle de violence à l'égard des femmes, on parle de désordre social invisible comme d'une chose qu'on doit cacher. Si les médias ne réagissent pas et ne remettent pas en cause l'ordre social et politique, ils deviennent complices», souligne la sociologue Fatma Oussedik, en incitant les journalistes à combattre l'illusion de la transparence du fait social. «Il faut s'extraire du fait social et accepter de le regarder comme une chose, nous éclairer sur les faits et nous laisser le soin d'avoir notre propre point de vue… Les journalistes doivent s'interroger sur les signes qu'ils émettent et c'est là où le rôle d'une charte de l'éthique est important», indique-t-elle. Le réalisateur Belkacem Hadjadj a, pour sa part, appelé à plus de vigilance pour décoder ou déceler les discours porteurs de violence insidieuse dans les programmes télévisés. L'audimat n'explique pas à lui seul cette orientation franchement anti-progrès et contre une image positive de la femme dans les médias. Le sous-entendu politique est décelable dans cette volonté de maintenir la société, à travers le renvoi de modèles et d'images archaïques, dans le moule du patriarcat renvoyant lui aussi à l'inviolabilité de l'ordre politique établi. «L'émergence des femmes dans l'espace public dérange le système politique dans les pays arabes, car cette présence est porteuse de dénonciation d'un ordre social et d'appel à l'égalité et la liberté d'être et de dire», souligne Mme Oussedik. La réalisatrice Baya El Hachemi s'interroge, de son côté, sur ce que nous avons fait pour contrer le flux d'émissions et de programmes porteurs de violence venant du Moyen-Orient. «Quand nous présentons des projets de films intéressants qui dénoncent l'ordre social établi, on se voit refuser le droit de réaliser. Si nous trouvons des télévisions qui acceptent de diffuser et de financer des programmes de qualité, on n'hésitera pas à le faire», indique la réalisatrice. Unanimement, l'assistance a appelé à plus de vigilance et à la mobilisation contre cette banalisation d'une violence cathodique aux conséquences très dangereuses.