Plusieurs syndicats d'entreprise ont rejeté hier la signature du pacte économique et social entre l'UGTA et le gouvernement « sans la prise en charge concrète » de leurs revendications socioprofessionnelles. Réunis avec la coordination portuaire, ils ont fustigé la situation de « laisser-aller » dans laquelle se trouvent les instances de l'UGTA et appelé, à la veille du 11e congrès, « à une réforme totale » du mode d'organisation des structures. La coordination portuaire, qui compte cinq syndicats de ports, a fait passer le message de contestation au niveau de nombreuses sociétés publiques. Déjà, des assemblées générales du conseil du syndicat national des douanes et de la coordination des ports sont programmées les 15 et le 22 novembre. Ces rencontres, prévues le lendemain du retour du secrétaire général de l'UGTA, Abdelmadjid Sidi Saïd, de Suisse où il prend part aux travaux du BIT, devraient être sanctionnées par des actions de protestation contre le refus des autorités à prendre en charge la plate-forme de revendications des travailleurs. Le débat a été concentré autour de la nécessité d'une « révision fondamentale » du mode de gestion au sein de l'UGTA où règne actuellement « une situation de passe-droit, de dictature, de désignation de représentants, d'enrichissement personnel ». Ahmed Badaoui, secrétaire général du syndicat des douanes (SND), est revenu sur l'état des lieux jugé catastrophique de l'institution qu'il représente, en dénonçant le premier responsable des douanes qui, selon lui, refuse catégoriquement de prendre en charge les problèmes des travailleurs. « Au moment où tous les secteurs d'activité sont menacés de disparition du fait du programme de privatisation anarchique, des discussions continuent entre l'UGTA et le gouvernement pour la signature du pacte économique et social. De quel pacte peut-on parler lorsque les revendications salariales et socio-professionnelles ne sont pas prises en compte ? Ils veulent sceller le sort de l'organisation en la poussant à signer sa mise à mort. Nous ne reconnaissons pas un pacte qui ne prend pas en charge les préoccupations des travailleurs. Pour nous, il est tout simplement nul et non avenu. » Ahmed Badaoui a expliqué que « certains cercles » du pouvoir « ont tout fait pour que l'UGTA soit piégée » dans la question de l'application de l'article 87 bis, pour « la détourner » des véritables problèmes du monde du travail, notamment l'augmentation des salaires. Les représentants du syndicat de la BDL ont exprimé leur colère contre la gestion de l'organique au niveau de l'UGTA. Ils ont fait part de leurs « craintes » quant à la situation qui prévaut dans les structures de la banque, notamment après le gel par le chargé de l'organique des activités syndicales en réaction à l'élection d'un nouveau bureau syndical. « Les responsables de l'UGTA font tout pour maintenir notre syndicat en situation de faiblesse. Nous avons élu démocratiquement notre représentant, ils l'ont rejeté et ont désigné quelqu'un d'autre à sa place. Avec une telle organisation, qui osera faire face aux nouveaux patrons de la BDL après l'ouverture du capital au privé en 2006 ? Nous sommes devant une politique de mise à mort des syndicats d'entreprise... », a déclaré le syndicaliste. Les mêmes propos sont tenus par son collègue de la BEA, lequel a affirmé que 400 emplois disparaîtront en 2006 sans qu'« aucune forme d'opposition n'ait la force pour protester ». De l'union locale, un syndicaliste a déclaré que « les travailleurs assistent impuissants à la privatisation de l'UGTA, devenue un fonds de commerce pour certains responsables de l'organisation ». Il a dénoncé le silence des membres du secrétariat national et de la commission exécutive, « qui ne peut traduire que leur caution pour une telle situation » . Le représentant du syndicat de la Cnan a lui aussi fait état de la situation de son entreprise, dont l'ouverture du capital est prévue incessamment. Le secrétaire général du syndicat de l'entreprise des équipements industriels a, pour sa part, exprimé « son désarroi » et noté « ne pas voir du tout le bout du tunnel ». « Il faut que nous partions au 11e congrès avec des élus légitimes et représentatifs. Aujourd'hui, tout est biaisé. Si nous restons dans cette situation, même le congrès sera biaisé. Nous refusons que l'organisation soit gérée comme une administration. Il faut revenir à nos traditions. La CEN ne s'exprime pas parce que ses membres ont été désignés. Nous ne pouvons continuer à cautionner ces dérives... », a t-il déclaré. Reprenant la parole, M. Badaoui a recentré le débat autour de « la nécessité d'une réforme de l'organisation afin qu'elle puisse se réapproprier sa place en tant que partenaire social fort, capable de faire front aux décisions du pouvoir. L'organisation va fêter ses 50 ans, il est temps qu'elle change de mode de fonctionnement et pourquoi pas aller vers une confédération, une nouvelle forme qualitative qui regrouperait d'autres syndicats. Il est historiquement temps d'entamer ces réformes, il y va de sa survie... ». Après le débat qui a duré plus de trois heures, les syndicalistes ont convenu de se revoir mercredi 23 novembre, après les assemblées générales du conseil du SND et de la coordination des ports et une fois que Sidi Saïd sera de retour. L'idée d'une action de protestation a été retenue. Il est juste question de définir s'il s'agira d'une grève générale, d'un sit-in devant la centrale syndicale ou d'une marche des travailleurs.