Peut-être la technique la plus «américaine» utilisée dans ce roman, à laquelle vous faites allusion, est la cliffhanger (ndlr : interruption du récit au sommet du suspense). Une technique justement très diffusée dans la littérature américaine contemporaine, mais qui remonte à la tradition littéraire orientale, comme on la retrouve très fortement dans Les Mille et Une Nuits, et qui a été introduite bien avant, mais légèrement, dans L'Odyssée. La littérature ne peut pas avoir une identité nationale pure, même si certains la veulent encore comme manifestation folklorique dans ce monde désormais globalisé. Personnellement, je me considère comme «lectrice du monde», je lis en arabe, en anglais, en français, en italien ou en traduction tout ce qui est beau dans la littérature. Je ne résiste surtout pas à m'imprégner de ce que j'apprécie de toutes ces traditions littéraires qui ne sont pas aussi différentes qu'on peut l'imaginer. A cet effet, Sakarat Nedjma ne peut, à mon avis, être défini ni comme un conventionnel whodunit anglais (ndlr : roman d'énigme), ni comme un hard-boiled (ndlr : roman noir), typiquement américain. Mais comme une œuvre essentiellement algérienne avec une empreinte indéniablement mondiale. (…) Effectivement, Sakarat Nedjma entretient un rapport intertextuel avec plusieurs œuvres, mais plus évidemment avec le roman le plus célèbre et le plus fascinant de la littérature algérienne. Kateb Yacine y a représenté la patrie en femme énigmatique. C'était l'être désiré… C'était la Nation algérienne avant l'indépendance. Qu'est devenue Nedjma après l'indépendance ? C'est ce que j'ai essayé d'explorer dans mon roman.