La hausse générale et incontrôlée des prix du transport tant redoutée par les petites bourses se dessine petit à petit à Béjaïa, après l'augmentation, dès le 1er janvier, des prix des carburants induite par les plans d'austérité contenus dans la loi de finances 2016. Suivant la logique habituelle du fait accompli, qui veut que les augmentations soient d'abord décidées unilatéralement par les transporteurs, puis entérinées par les autorités en charge des transports, le prix du ticket de plusieurs lignes a été revu à la hausse. Les transporteurs qui n'ont pas encore opéré d'augmentation ne tarderont pas à suivre, à l'exemple de ceux desservant les lignes urbaines ou rurales reliant le chef-lieu de wilaya au reste des communes, qui ont lancé un mot d'ordre pour revoir les tarifs à la hausse dès aujourd'hui. Certains n'ont même pas attendu cette échéance pour appliquer leur nouvelle tarification. C'est le cas de certains bus reliant Béjaïa à Akbou, Tazmalt, Seddouk, Sidi Aïch, Beni Maouche… dont le prix du ticket a augmenté de 10 à 30 DA, a-t-on appris auprès des usagers de ces bus. Dans les zones rurales, ce sont presque tous les transporteurs qui ont augmenté le prix de leurs prestations en invoquant toujours le même argument de la hausse du prix des carburants. Pour ne citer que quelques exemples, à Adekkar les bus opérant sur la ligne d'El Hemmam ont augmenté le prix du ticket de 10 DA. A Seddouk où, nous dit-on, la nouvelle tarification est annoncée par un affichage ne portant ni cachet ni signature, le prix du ticket pour Beni Maouche est passé de 30 à 50 DA, tandis que celui pour Tibouaâmouchine est passé de 25 à 35 DA. A Darguina, les citoyens ont fermé la RN9 pendant deux jours pour rejeter l'augmentation unilatérale du prix du ticket de bus reliant le chef-lieu au village Laâlam, situé à 27 km en amont. Les usagers du transport en commun veulent bien compatir avec les transporteurs, mais ils récusent toute augmentation anarchique. «Je comprends le fait qu'ils aient revu les tarifs pour amortir l'augmentation du prix du carburant, mais ce n'est pas à eux de décider tous seuls des nouveaux prix à appliquer, sinon c'est l'anarchie», estime un citoyen de Tazmalt, interrogé au niveau de la gare routière. Mécanismes Il convient, en effet, de signaler qu'en plus d'être un coup dur pour le budget des ménages, cette augmentation unilatérale est une entorse à la loi régissant l'activité de transport en commun. La loi ne permet, en effet, aucune augmentation qui sorte du cadre légal de concertation entre les syndicats des transporteurs et l'administration de façon à protéger à la fois les droits du transporteur et ceux des clients. C'est dans cet esprit, d'ailleurs, que le ministre des Transports compte mettre en place des mécanismes qui vont permettre aux transporteurs d'amortir la hausse du prix du carburant, en abaissant les impôts et les frais de stationnement dans les gares routières et non en plombant les bourses des usagers. La direction des transports de Béjaïa attend un signal de ce genre. «On attend que le ministère nous transmette des instructions relatives à l'application de ces mécanismes pour les répercuter à notre tour. S'il n'y a rien, notre rôle est d'appliquer la loi et de ne permettre aucun dépassement», nous a déclaré Mustapha Allouache, cadre à la direction des transports. Abondant dans le même sens, le directeur des transports s'est montré ferme. «Il n'y aura aucune augmentation. Nous sommes là pour appliquer les lois de la République», nous a-t-il assuré, mercredi dernier, alors qu'il s'apprêtait à se rendre à une réunion avec les camionneurs qui ont fermé la route pour exiger la révision de leurs tarifs suite à la hausse du carburant. Faisait-il référence aux fameux mécanismes du ministre des Transports ? Pour l'instant, tout ce qu'on sait, c'est que les transporteurs, par l'entremise de leurs syndicats, se sont réunis pour discuter de la nouvelle grille des tarifs que certains transporteurs se sont déjà empressés d'appliquer aux usagers, sans aucun aval des autorités. Par ailleurs, certains transporteurs que nous avons interrogés s'opposent à l'augmentation anarchique. «En ce qui me concerne, la consommation de gasoil ne me coûtera que 400 DA de plus que d'habitude. Pourquoi alors exagérer et opérer des augmentations à tout-va ?», nous confie un chauffeur de bus Béjaïa-Adekkar. Aujourd'hui arrivent à échéance toutes les promesses d'augmentation faites par les transporteurs. Pour les autorités qui devront trouver des solutions équitables, il s'agit d'un numéro d'équilibrisme où le moindre faux pas risque de coûter cher. Mohand Khodja