On s'est adressés au cerveau et ce sont les ventres qui nous ont répondu. On ne peut parler de réformes si l'étudiant est affamé.» Cette déclaration tonitruante d'un professeur, président de la commission de l'éducation physique, résume, à elle seule, le calvaire dans lequel patauge l'étudiant. Dans l'atelier n°4 réservé à la vie estudiantine, les langues se sont déliées. «On se noie dans le gaspillage mais l'étudiant à faim, et vous parlez d'austérité», assène-t-il encore. L'enseignant exhale l'écœurement en dénonçant ce qu'il côtoie tous les jours. Des étudiants qui ne mangent pas à leurs faim et tombent parfois d'inanition. «Il faut reconnaitre que la vie estudiantine a longtemps été déconsidérée, absente de nos préoccupations», reconnaissait quelques heures auparavant le ministre de l'Enseignement supérieur, Tahar Hadjar, qui veut faire de l'étudiant le centre de la réforme. «Il est important aujourd'hui d'offrir des conditions adéquates pour aider l'étudiant à évaser davantage son esprit d'innovation et élargir ses activités», poursuivait-il. Après un lourd réquisitoire donné par une étudiante quant aux déplorables conditions de vie des étudiants en général au sein des universités et des résidences, le directeur de l'Office national des œuvres universitaires (ONOU), Abdelhak Boudraa, reconnaît l'existence de ces maux mais les restreint à certains établissements. «Je dois dire que les missions attribuées au secteur des œuvres universitaires n'ont pas été remaniées depuis l'indépendance, et il en va de même pour le système de gestion de ces établissements. On attend aujourd'hui une réforme et non pas une réorganisation. C'est pourquoi l'on doit arriver, à travers la formation des cadres et l'intervention des experts, à améliorer les prestations de cette entité. Car tant que ces formations qui visent à réformer ce secteur n'existent pas, on ne peut espérer une amélioration, encore moins un changement. On est tributaires de textes de loi», déclare-M. Boudraa. Tout en essayant d'éviter de généraliser les dysfonctionnements. Le directeur général de l'ONOU poursuit : «Si nous voulons réviser toutes les lacunes dont souffrent les résidences universitaires, il faut préciser que cela diffère d'un établissement à un autre. Car il existe des cités universitaires dotées de tous les moyens modernes et des services nécessaires. Néanmoins, il existe encore des résidences qui souffrent de manque d'éléments humains et d'autres qui sont anciennes et n'ont pas encore été prises en charge.» Mais plus qu'une place pour dormir et un plat pour dîner, les établissements et résidences universitaires doivent être un havre où les étudiants s'épanouissent. Certains intervenants ont dénoncé le manque de réflexion autour de l'aménagement des horaires de cours qui font de l'étudiant un zombie vivotant entre sa résidence terne et sa place pédagogique morose. «Il faut une coordination entre les établissements universitaires et les résidences», déclare une enseignante, également directrice de la résidence universitaire Dély Ibrahim 2. Cette dernière dénonce le manque d'information et d'orientation dont souffrent les étudiants. «Il existe des clubs scientifiques et sportifs, mais il y a un manque d'information sur le mode d'inscription à ces activités», regrette-t-elle. Encouragé par tant de franchise et de langue déliée un autre intervenant pousse le bouchon à fond : «Il ne faut pas mélanger les problèmes des étudiants et ceux pédagogiques. Nos jeunes apprenants souffrent aujourd'hui de maux multiples et parfois à la limite de la décence. Ils subissent des chantages financiers et sexuels», assène-t-il, pour mettre en lumière les conditions dans lesquelles évoluent ces étudiants qui se retrouvent souvent à mendier une note ou tenter d'échapper à la convoitise de certains de leurs encadreurs...