Dans une conférence-débat animée jeudi à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou, Rédha Malek est revenu sur le rôle et l'apport de Abane Ramdane à la Révolution algérienne. De prime abord, l'ancien négociateur des Accords d'Evian, qui s'est recueilli dans la matinée devant la statue du héros de la guerre de Libération nationale à Oued Aïssi, dira : «Je suis très heureux de me retrouver parmi la famille patriotique et révolutionnaire de cette wilaya historique qui a beaucoup donné à la Révolution. S'il y a un homme qui mérite cette admiration, c'est bien Abane Ramdane. C'est une grande émotion que de prendre part aux festivités de la Journée du chahid.» L'ancien directeur du journal clandestin du FLN, El Moudjahid, se rappelle de sa dernière rencontre avec l'architecte de la Révolution : «C'était en décembre 1957. Costume marron, petite valise, Abane nous a dit qu'il allait se rendre au Maroc pour régler un problème de frontières et qu'il reviendrait rapidement. Sa mort nous a été annoncée en avril 1958 en faisant croire à ses collègues qu'il est tombé au champ d'honneur.» L'invité de l'Association mémoire et histoire Abane Ramdane ne tarit pas d'éloges sur la personnalité et le rôle-clé de cet authentique militant dans l'organisation de la lutte indépendantiste. «Les hommes meurent d'une façon ou d'une autre mais leurs idées restent en vie. Il nous laissé un legs, des idées, des valeurs, des principes. Abane est mort tragiquement en martyr. Il fut un combattant indomptable de l'indépendance nationale. Un artisan génial de l'unité nationale, un concepteur majeur du Congrès de la Soummam qui donna à la Révolution une stratégie, un visage et donna à l'algériannité une nouvelle vigueur et un éclat sans précédent.» Il a ajouté : «Nous resterons fidèles à son message, celui dont nous avons besoin aujourd'hui. Ses idées sont indispensables. Loin de mourir, elles sont toujours d'actualité. Ses idées étaient : Algérie souveraine, maîtresse de son destin, unie, forte, une Algérie démocratique et courageuse, toujours debout. Et c'est grâce à cette vision de Abane, à ses idées que notre pays a pu franchir des étapes pour sa libération, accéder par la grande porte au concert des nations. Pour Abane Ramdane, l'indépendance est une idée fondamentale chevillée à lui. Lorsqu'il était dans les différentes prisons, il se levait à l'aube pour entonner seul dans sa cellule les chants patriotiques. L'indépendance était pour lui une nécessité vitale, absolue. Dans le contexte de l'époque 1956-1957, l'indépendance n'était pas admise partout. Pierre Mendès France répétait que l'indépendance était impossible et que tout gouvernement français qui penserait à cette idée sera chassé du pouvoir. Abane ressassait : ‘‘On sera indépendants''!» A un journaliste du quotidien Le Monde qui lui suggéra de trouver une solution pour éviter «ces actions terroristes», Abane rétorqua avec sa franchise : «Vous aurez un Diên Bien Phu à la rue Michelet ! Il a montré qu'il était effectivement un vrai visionnaire, puisqu'en décembre 1960, un membre de l'état-major français en Algérie avait déclaré : ‘‘On vient de subir un Diên Biên Phu psychologique'' .» Pour l'ancien chef de gouvernement (1993-1994), Abane Ramdane voulait une indépendance réelle de l'Algérie. «Il nous disait que dans cette lutte, il ne faut jamais reculer. Il était contre les faux compromis et les compromissions. C'est ainsi qu'il avait lancé le préalable de l'indépendance. Il était un homme qui voulait faire avancer la cause sur le terrain. Abane est l'auteur du 1er tract du FLN. Il l'a rédigé pour montrer qu'il était toujours là en politique. Il a pensé au Congrès de la Soummam. Il me disait qu'il faut être vraiment fou pour l'organiser au milieu de 800 000 soldats français stationnés dans la région. Il avait pris des décisions importantes. D'ailleurs Soustel a confié à ses proches que la Plateforme de la Soummam était géniale. Elle a permis de donner à la Révolution une structure - Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA), Comité de coordination et d'exécution (CEE), l'Armée de libération nationale (ALN) avec ses hiérarchies. Il a structuré la Révolution. Cette organisation insufflée par Abane, Ben M'hidi et les autres a donné une impulsion extraordinaire à la Révolution. C'est dire l'importance du Congrès de la Soummam. Le FLN historique a pris un visage, a rayonné sur la scène internationale et la Révolution algérienne a avancé d'une façon substantielle. Le Congrès de la Soummam a doté la révolution de stratégie pour voir ce qu'il y avait lieu de faire sur les plans interne et externe. L'Algérie qui avance a été déjà pensée par Abane. Il est l'homme de la nation entière, de l'unité nationale. Il fut un grand rassembleur et cela a bien marché, notamment avec la création du Conseil national de la Révolution algérienne (CNRA) qui a été un acquis à une époque marquée par la division et l'atomisation», conclut Rédha Malek.