Courtisé aussi bien par l'Est que l'Ouest, l'analyste politique libyen installé à Tunis, Ezzeddine Aguil, paraît sceptique quant à une transition politique en Libye. - Fayez Serraj a-t-il des chances de s'installer à Tripoli ? Il est très optimiste de dire que le gouvernement de Fayez Serraj va parvenir à obtenir la confiance du Parlement, même s'il y a une entente concernant sa personne. Donc, la question du lieu de gouvernance est certes compliquée. Mais elle n'est pas encore posée. Il faudrait plutôt s'entendre sur l'équipe et chercher des personnalités qui ne soient pas objet de polémiques. Serraj a besoin de noms qui ne font pas courir des suspicions de corruption derrière eux et il y en a en Libye. Il y a une véritable crise de confiance entre les Libyens et leur classe politique que le gouvernement Serraj doit dissiper. - Mais la question de la protection du gouvernement se pose aussi... Oui, c'est vrai. L'envoyé de l'ONU, Martin Kobler, a implicitement déclaré que le général Haftar est l'unique à disposer de forces militaires organisées et institutionnelles. Les troupes officielles de Haftar sont de véritables soldats ayant appartenu à l'armée et qui comprennent ses lois. A l'Ouest, aussi, il y a des soldats qu'il faut réunir de nouveau au sein de régiments répondant aux lois de l'armée. Ces troupes ont besoin de mise à niveau et peuvent reprendre le service d'antan. Je pense que c'est d'abord une question de volonté politique. Ensuite, la question pourra être résolue. - Et concernant la lutte contre le terrorisme ? Il est important de comprendre que les renseignements en provenance de Libye, notamment Syrte, Derna et Sabratha, indiquent que la majorité des membres de Daech sont des étrangers, pas des Libyens. La dernière attaque américaine de Sabratha le confirme. L'écrasante majorité des terroristes abattus sont des Tunisiens. Ils ont été par ailleurs derrière l'opération de kidnapping des deux Serbes en novembre dernier. Il y a certes des complicités internes et internationales derrière ce scénario d'implantation de Daech en Libye, mais il est possible de les cerner et de les éradiquer si toutes les parties libyennes s'entendent sur cette question. - Il y a de l'optimisme à travers vos propos... Le peuple libyen a toujours gardé espoir de sortir de sa crise. Cet optimisme est perceptible dans sa vie quotidienne qui n'a jamais perdu son côté festif et jovial. Donc, il y a certes une crise entre les politiques. Mais avec un soutien international efficace et une forte implication de la société civile, la question de la transition politique peut se résoudre.