Aussi bien le président Bush que le Parti républicain n'avaient besoin de ce nouveau coup dur déjà qualifié de cadeau pour les démocrates. Aux Etats-Unis, tout se paie cash et dans le cas des républicains, la perte de la majorité au Sénat à la faveur des élections partielles, ou ce qu'on appelle communément le mid-term, la mi-mandat. En effet, le scandale provoqué par les avances sexuelles qu'un élu républicain aurait faites à des adolescents est venu parasiter et rendre inaudible de manière inattendue le discours ultra-sécuritaire du président George W. Bush pour convaincre les Américains à voter républicain. D'ici aux élections parlementaires du 7 novembre, M. Bush va parcourir le pays pour délivrer un message quasiment univoque : cinq ans après les attentats du 11 septembre, qui viennent d'être douloureusement commémorés, l'Amérique est plus en sécurité si les républicains conservent leur mainmise sur le Congrès. Bien entendu, les démocrates ne manquaient pas d'arguments sur cette question, mais cette conjonction de faits, les met dans une position pour le moins avantageuse. Mais à l'inverse, la stratégie des républicains est inopinément mise à mal par les révélations, chaque jour plus gênantes, sur les agissements de l'ancien parlementaire Mark Foley. Jeudi, la commission d'éthique de la Chambre des représentants a annoncé l'ouverture d'une enquête parlementaire sur le scandale. Larry Sabato, expert politique à l'université de Virginie, parle du « cadeau » fait aux démocrates « au plus mauvais moment » pour les républicains et M. Bush : « Ils entendaient sûrement parler d'autre chose en octobre ». Mark Foley a démissionné vendredi quand ont été rendues publiques ses correspondances électroniques avec des lycéens employés comme coursiers à la Chambre. Chaque jour qui passe révèle un comportement plus scabreux. Ces turpitudes présumées sont vite devenues une affaire politique quand les micros se sont tendus vers la présidence républicaine de la Chambre : cette dernière savait-elle et a-t-elle essayé de dissimuler la vérité ? Selon un plan de bataille savamment élaboré par les stratèges de la Maison-Blanche, M. Bush, qui a battu en 2006 des records d'impopularité, paraissait pourtant avoir réinvesti le champ politique, même si c'était au prix d'une énième controverse sur les méthodes de sa « guerre globale contre le terrorisme ». La Maison-Blanche n'a guère de marge de manœuvre. M. Bush a exprimé son « dégoût » devant les faits imputés à M. Foley et veut que toute la lumière soit faite, a rappelé jeudi le porte-parole de la Maison-Blanche, Tony Snow. Dans le camp adverse, l'état-major démocrate est resté largement silencieux, laissant les responsables républicains s'emmêler dans leurs explications et se défausser les uns sur les autres. Pour le politologue Larry Sabato, de l'Université de Virginie, il s'agissait d'appliquer « un vieil axiome en politique : ne t'occupe jamais de tes adversaires quand ils sont en train de se suicider ». Aussi pendant plusieurs jours, l'affaire Foley n'a-t-elle été mentionnée que par une poignée de candidats en campagne : « Cela choque la conscience (les républicains) ont reconnu avoir couvert le comportement prédateur d'un élu qui utilisait l'internet pour molester des enfants », récite ainsi l'annonceur d'un spot de campagne d'une candidate démocrate dans le Minnesota (nord). Mais avec l'annonce jeudi que le président républicain de la Chambre Dennis Hastert n'avait aucune intention de démissionner et qu'il se contentait d'une enquête parlementaire interne et des réformes aux contours vagues, la stratégie démocrate a d'un coup monté en intensité. « Les gens qui veulent voir tout ça exploser, c'est (la chaîne de télévision) ABC (à l'origine des révélations) et beaucoup d'agents démocrates », a aussi assuré l'homme qui est en première ligne dans le scandale, le président de la Chambre Dennis Hastert, dans un entretien au Chicago Tribune. Trop de pressions s'exercent sur lui, y compris de son propre parti. Cette fois, comme s'il s'agissait d'une répétition générale pour la prochaine présidentielle, l'enjeu est important, comme le révèlent les multiples sondages.