Le Café littéraire et philosophique de Tizi Ouzou a accueilli, samedi, l'écrivaine et critique littéraire Naget Khadda. Cette rencontre, initiée par l'entreprise d'organisation des événements culturels, économiques, scientifiques (Emev), en collaboration avec l'association des anciens scouts de la wilaya, a été consacrée au débat autour du livre Eléments pour un art nouveau, suivi de Feuillets épars liés et inédits, de l'artiste peintre Mohamed Khadda (1930-1991). Cette livraison réunit le contenu de deux livrets que son défunt mari avait publiés de son vivant, augmenté de textes parus ici ou là. «Les deux livrets (Eléments pour un art nouveau, 1972 et Feuillets épars liés, 1983) sont aujourd'hui introuvables en librairie, quoique toujours cités dans la presse. Les autres textes sont disséminés dans des publications diverses et, de ce fait, difficiles d'accès. Il m'a donc paru nécessaire de rassembler et de remettre en circulation ces essais qui, désormais, font partie du corpus de documents portant sur l'activité culturelle initiée au moment de l'accession de l'Algérie à l'indépendance», note Naget Khadda. Pourquoi la réédition de ces textes ? «Partout où je suis allée pour animer des conférences et des expositions, on m'a suggéré de faire vivre l'œuvre et la pensée de Mohamed Khadda. Il y avait une demande qui se manifestait là où je suis passée. La deuxième raison ayant motivé la publication de cet ouvrage, c'est de participer au travail mémoriel, une façon de publier ses mémoires, brasser les problèmes auxquels lui et d'autres artistes étaient confrontés. Les 12 années de terrorisme que l'Algérie a vécues ont fait qu'il est était impossible de porter leur voix auprès du public. A travers ce travail littéraire, je voulais également corriger des infléchissements et certaines erreurs que je rencontrai à droite et à gauche dans la presse». Lors de son intervention, l'invitée du café littéraire et philosophique est revenue sur le combat pictural et le talent d'essayiste de celui qui fut l'un des fondateurs de la peinture algérienne moderne. «Indépendamment de sa peinture, Khadda était parmi les intellectuels des premières décennies de l'indépendance. Il avait une capacité à conceptualiser à une époque où il y avait un bouillonnement culturel, mais peu de choses à diffuser en raison de la monopolisation de l'édition. La politisation et l'idéologisation faisait qu'il avait peu d'écrits. Mohamed Khadda avait une belle plume. Avant d'être peintre, il s'est essayé à la poésie. Il avait gardé une grande proximité avec l'écriture», dira Naget Khadda. Répondant aux questions de l'assistance, l'universitaire a souligné : «Khadda avait opté pour l'abstraction comme forme d'expression, il renonçait à rendre compte de la réalité algérienne en copie-conforme (…) Mohamed était communiste. Il n'avait jamais caché ses convictions. Il était toujours en désaccord sur le fait de ramener le religieux sur le devant de la scène. Il n'avait jamais été inquiété ou arrêté par la censure du pouvoir. Comme Kateb Yacine, Khadda était considéré comme intouchable, car tout le monde reconnaissait leur rôle dans la construction d'une nation forte. Yacine était certes provocateur, mais personne ne touchait à lui. C'est sa notoriété en dehors du pays qui le protégeait». Naget Khadda a évoqué au passage les relations amicales et intellectuelles qu'entretenait Khadda avec le poète et militant algérien Bachir Hadj Ali et la poétesse d'expression française Anna Greki, avec laquelle il avait publié, en 1964, une plaquette aujourd'hui introuvable.