D'importants moyens matériels et humains ont été mobilisés par les autorités locales pour le bon déroulement de cette opération décidée en moins de douze heures. Il s'agit d'une caravane de 13 bus, une vingtaine de camions pour les bagages, 80 chauffeurs en relais, une équipe médicale spécialisée en plus de l'encadrement sécuritaire et humanitaire assuré par le Croissant-Rouge algérien. La distance à parcourir exigeant 36 heures de voyage, une importante logistique a également été mise en place sur les 1600 km de trajet, pour des haltes où des repas chauds seront servis aux voyageurs. Ces transferts, décidés depuis novembre dernier, au lendemain de l'incendie du camp de Mekhadma, ont été précédés d'une vaste opération d'identification biométrique qui a nécessité la présence des consuls et ambassadeurs des sept pays africains concernés, à savoir le Mali, le Niger, la Gambie, le Sénégal, le Tchad, la Côte d'Ivoire et le Cameroun. Main-d'œuvre compétente Leur recensement a permis d'identifier 1200 personnes dispatchées entre les camps de Ouargla et Touggourt où ces migrants participaient activement à la vie économique locale, assurant souvent, à eux seuls, les besognes pénibles dans les nombreux chantiers du bâtiment, de l'hydraulique et des travaux publics. Les travailleurs subsahariens étaient également très convoités par les exploitants agricoles qui leurs confiaient les travaux quotidiens dans les jardins et palmeraies. Ils étaient aussi très demandés par les particuliers pour des travaux de bricolage et de ménage qu'ils effectuaient avec une rare conscience professionnelle qui leur a valu le respect. Des scènes émouvantes d'entrepreneurs presque en pleurs ont été vues, jeudi soir, à l'heure du départ des bus remplis de migrants vers Tamanrasset. Ces derniers étaient venus en catastrophe verser les salaires de leurs désormais ex-ouvriers, à la demande expresse du chef de la sûreté de la wilaya de Ouargla, qui a pris sur lui d'effectuer un contact personnalisé pour accélérer la procédure de paiement. Des regrets ? Autant les autorités que les entrepreneurs les ont publiquement exprimés. C'est visiblement contraintes et forcées par l'homicide qui a eu lieu mercredi dernier que les autorités locales ont décidé de lever le camp et de régler à la racine une situation qui aurait pu dégénérer à tout moment. Rejet populaire La réaction des habitants de la localité de Saïd Otba au meurtre de Azzedine Bensaïd, un jeune homme à la fleur de l'âge, tué par un Nigérien, a été violente. 22 blessés ont été enregistrés chez les Subsahariens qui rentraient paisiblement du travail, ne se doutant pas de la tournure qu'avait prise une malheureuse tentative de vol. Au lendemain de l'inhumation de la victime, Ouargla est orpheline de ses réfugiés qui se sont avérés de lourds invités pour les riverains des camps de Mekhadma et de Saïd Otba. Les deux emplacements choisis par les autorités locales avaient été contestés dès le départ. A chaque occasion, à tort ou à raison, les migrants étaient pointés du doigt, accusés des pires forfaits notamment de vol, d'agression, de sorcellerie, de falsification de monnaie, voire d'insalubrité. Nous apprendrons de la bouche même du wali, tarabusté par les questions des journalistes, jeudi soir, lors d'une conférence de presse autour de ce drame, que «la décision de rapatrier les migrants subsahariens ne s'est faite qu'au terme d'une ultime négociation avec les habitants de Mekhadma, qui ont refusé de les voir revenir à leur ancien camp». Il s'avère donc que la question de la «préservation de l'intégrité physique des migrants et la circonscription des pertes et blessures humaines aux seuls enregistrés mercredi dernier» aient primé, comme nous l'a affirmé Hamid Benjaatit, chef de la sûreté de la wilaya de Ouargla. Et les chantiers, demain ? Posée à Saâd Agoudjil, wali de Ouargla, la question suscite comme une douleur, connaissant l'avis du premier magistrat de la wilaya à ce propos. Un mal nécessaire, selon lui : «Nous savons d'avance que les travaux de construction connaîtront de grandes perturbations. Ni la rentrée scolaire et universitaire, encore moins la livraison des logements ne se feront normalement, nous avons perdu notre principale main-d'œuvre.» Soulignant le manque d'implication de la société civile dans la sensibilisation des habitants quant aux retombées de cette révulsion populaire par rapport aux migrants, le wali de Ouargla manifeste un sentiment de regret qui commence déjà à s'exprimer parmi la population locale : «N'a-t-on pas été injustes avec des gens qui ont fui l'insécurité et la pauvreté chez eux et qui rendaient bien des services chez nous ?»