Du bon usage de l'argent du pétrole, les experts restent circonspects tant ils sont déroutés par le tâtonnement économique actuel. S'ils ne doutent pas de la volonté gouvernementale d'injecter le maximum d'argent dans la sphère économique, ils mettent, en revanche, en relief l'absence d'objectifs clairs et précis à moyen et long terme, relevant que les réformes structurantes sur lesquelles doivent s'appuyer la croissance et le développement tardent à voir le jour. A titre illustratif, la privatisation sur laquelle la loi a pourtant tranché n'a pas connu de mise en œuvre, alors qu'environ 400 entreprises publiques totalement déstructurées pourraient y trouver une bonne réponse à leur situation : les pouvoirs publics hésitent entre privatiser et mettre à niveau par l'injection de fortes sommes d'argent du Trésor public. Comme ils tergiversent sur les dossiers essentiels ayant trait aux banques, au foncier, au climat d'affaires, à la corruption, à la configuration de l'Etat, etc. L'attentisme et les demi-mesures ont marqué toutes les équipes gouvernementales qui se sont succédé depuis l'effondrement du parti unique. Ils sont la traduction de l'emprise des pesanteurs politiques et idéologiques sur le pays, explicable autant par l'histoire que par la gouvernance politique. Les choix socialisants adoptés durant trois décennies ont marqué profondément la classe politique qui vit leur abandon comme une sorte de « trahison » des idéaux de justice et de liberté tant proclamés durant cette longue période qu'incarnait principalement le président défunt Boumediène. Encore que cette « mauvaise conscience » cache souvent le refus ou la crainte de perdre les avantages liés à la « rente publique » et à « l'Etat-providence ». Les syndicalistes et certains partis politiques ont surfé sur tout cela pour s'opposer au libéralisme économique et à l'insertion de l'Algérie dans la mondialisation. Sur les dossiers sensibles tels que ceux des hydrocarbures et des privatisations, ils n'hésitent pas à crier à « l'atteinte à la souveraineté nationale » et au « bradage des ressources nationales » pour bien signifier que l'enjeu n'est pas économique mais idéologique. Un discours qui est toujours bien passé, y compris durant le premier mandat du président Bouteflika, lequel n'a pas pu ou su peser de tout son poids pour imposer les réformes attendues de lui. Le président de la République a-t-il été lui-même prisonnier des lourdeurs du passé ou a-t-il jugé à cette période que les conditions politiques et économiques ne permettaient pas de lancer de grandes réformes ? Au cours du dernier Conseil des ministres, il a signifié qu'« aucun conservatisme ni aucune logique rentière ne freinera le mouvement de réforme et d'adaptation de l'économie nationale aux changements requis ». Cela indique-t-il que le chef de l'Etat est désormais convaincu de la nécessité de bouleverser la sphère économique et qu'il est assuré d'avoir entre les mains toutes les cartes politiques pour imposer le changement autant aux responsables au niveau de l'Exécutif qu'aux partis et organisations syndicales ? S'il en est ainsi, ce serait le début de la guerre aux anciennes mœurs politiques et aux réflexes d'antan, principaux freins à la modernité, qui se retrouvent partout, comme en témoignent les résistances à la refonte du code de la famille. Le contenu de la loi de finances est un test certes, mais l'essentiel se vérifiera dans les mois à venir dans la capacité du gouvernement à mettre en place le nouveau dispositif de réformes économiques structurelles avec tout leur accompagnement politique.