Jamais on aura autant parlé des ressources en eau que cet hiver. Le déficit pluviométrique, cette saison, a incité le ministère de tutelle à redoubler de communication aux fins de rassurer la population. D'où la mise en avant du programme du dessalement de l'eau de mer, brandi en tant qu'alternative en cas du sinistre hydrique. «Les volumes d'eau actuellement emmagasinés au niveau des barrages ainsi que les moyens d'extraction de l'eau souterraine ou de dessalement de l'eau de mer nous permettent d'être dans une situation confortable et de passer un été à l'abri du spectre hydrique», a déclaré récemment, à l'APS, Abdelwahab Smati, directeur de la mobilisation des ressources en eau. Il en ressort qu'un tiers des besoins sont satisfaits par les eaux des barrages, le reste par les eaux souterraines et le dessalement. Mais qu'en est-il exactement ? La quantité d'eau distribuée par an à la population est estimée à plus de 3,6 milliards de mètres cubes, puisée à hauteur de 51% des forages, de 35% des barrages et de 14% d'eau dessalée. Par simple calcul arithmétique, l'apport de l'eau issue du dessalement demeure faible. Pourtant, un important programme a été lancé, il y a une quinzaine d'années, pour faire face à la demande domestique grandissante en eau potable. Sécuriser le besoin des villes côtières où se concentrent 80% de la population fait aussi partie des priorités de ce programme de haute facture. «Le programme ambitionne la mise en service de 13 stations à l'horizon 2018, dont 11 sont déjà en exploitation, totalisant plus de 2,3 millions de mètres cubes/jour d'eau potable», nous explique Mohamed Djeddi qui est à la tête d'Algerian Energy Company (AEC). Cette entreprise publique économique créée en 2001, sous forme de société par actions de droit algérien, est détenue par Sonatrach et Sonelgaz, chargée principalement de la promotion des projets d'envergure en partenariat avec des sociétés internationales dans les secteurs du dessalement d'eau de mer (DSEM) et de la génération électrique. «Même si les ressources financières venaient à manquer, nous continuerons à honorer notre engagement quant au dessalement de l'eau de mer», a martelé Abdelouahab Nouri, ministre des Ressources en eau et de l'Environnement, lors d'une intervention à la Radio nationale à l'occasion de la Journée mondiale de l'eau célébrée le 22 mars. Un procédé qui connaît un grand essor sur la planète où 8% de l'eau potable provient de la mer. C'est aussi un procédé onéreux, puisque seules 300 millions sur plus de 7 milliards de personnes dans le monde sont alimentées de la sorte. En dépit des dépenses conséquentes que nécessite un programme de cet acabit, les pouvoirs publics ont amorcé (certes bien avant la chute des cours du pétrole) une stratégie qui s'est traduite par la construction de 13 usines de dessalement dont 11 sont en activité, réparties sur neuf wilayas, à savoir Tlemcen, Aïn Témouchent, Mostaganem, Oran, Chlef, Tipasa, Boumerdès, Alger et Skikda. Les coûts de réalisation empêchent les pays développés de se doter d'usines de ce genre à telle enseigne que la station de Barcelone (Espagne), revenue à 230 millions d'euros, a été financée à hauteur de 75% par l'Union européenne. La facture pour l'Algérie n'est pas très éloignée. «Le coût d'une station de dessalement varie en fonction de certains critères tels que le prix du terrain alloué et autres paramètres plus importants. Mais en général, pour une station qui produit 200 000 m3/jour, l'investissement avoisine les 200 millions de dollars. Ce chiffre ne représente qu'une moyenne car il peut être inférieur ou supérieur», précise notre interlocuteur. Pour le financement, «il est question d'une technique développée et très moderne, le Project Financing, où les seuls garant du projet sont le projet lui-même, sa viabilité et ses dividendes. Les responsabilités sont réparties de façon équitable entre les différentes parties prenantes du projet», ajoute-t-il. En théorie, la politique de l'eau dans notre pays est censée être maîtrisée si l'on fait référence au discours officiel. Le pari de livrer 41 barrages, dont 31 sont déjà réceptionnés, totalisant 5,2 milliards de mètres cubes, pourrait accuser un sérieux revers si la politique d'austérité restait de mise dans les années à venir. La stratégie visant à irriguer 2 millions d'hectares, envisagée par le gouvernement, serait compromise en raison d'un manque de capacités de stockage, sachant que 90% des ressources en eau sont destinées à l'irrigation, selon plusieurs experts. Ainsi, le programme de dessalement vise à pallier au plus urgent, même partiellement. Sachant que pour produire un mètre cube d'eau dessalée, il faut en moyenne 2,5 m3 d'eau de mer, l'objectif du programme de dessalement est d'atteindre la capacité de 2,3 millions de mètres cubes/jour à l'horizon 2018-2019 avec la mise en service des deux projets restants. «Les capacités déclarées des usines opérationnelles permettent d'atteindre les 2,3 millions de mètres cubes/jour, mais ce n'est que contractuel, car certaines usines réalisées pour produire 200 000 m3/jour ont pu optimiser la production et réduire les coûts d'exploitation, et cela nous a permis d'atteindre des capacités supérieures. Mais nous sommes tenus de respecter les contrats, donc la production reste selon la demande de l'acheteur (Sonatrach et ADE)», précise notre source.