Quelqu'un peut-il expliquer au pouvoir que ses stratagèmes sont devenus inefficaces ? En essuyant le couteau sur la dépouille du DRS pour blanchir l'ancien ministre de Sonatrach et en accusant un journal français de diffamation contre notre actuel ministre des Privatisations, El Mouradia donne l'impression de manquer de lucidité face à la gravité de la situation. Les Algériens savent que le DRS n'est pas derrière les Panama Papers et que Le Monde a fait un travail d'investigation aux côtés de 106 médias étrangers ; ils suivent aussi le procès Saipem en Italie et ne doutent guère de l'origine de la mauvaise gouvernance qui les assaille. Tout ceci est irréversible, ce qui implique qu'il faut davantage qu'une ziara aux confins de Djelfa et qu'un communiqué de diversion pour convaincre les Algériens de la sainteté de Khelil et de la perfection morale de Bouchouareb, ou encore leur faire admettre que la corruption en Algérie n'est que pure spéculation. Le mensonge et la diversion trahissent la panique qui traverse le palais d'El Mouradia et ses annexes, et ça se comprend. Le clan du Président n'a pu savourer longtemps sa victoire historique remportée face au DRS rival, que voilà qu'il est rattrapé par les dérapages de ses membres les plus influents, d'autant qu'il serait comique d'accuser le général Toufik d'être derrière les révélations des Panama Papers. Le gouvernement doit se sentir tout aussi embarrassé, car il est directement éclaboussé par ce scandale qui implique l'un de ses membres. Sellal a accepté dans son staff un personnage au CV entaché par l'affaire Khalifa, militant notoire du néolibéralisme sauvage, n'hésitant guère à s'opposer à l'émergence d'une économie productive et à un partage plus équitable des richesses nationales. Et ce gouvernement ne peut fermer les yeux sur cette énième traîtrise sans en subir le déshonneur. Idem pour les Chambres élues et l'ensemble des institutions de la République, toutes phagocytées par le pouvoir occulte. Dans son aveuglement et face au tarissement des sources de la rente qui lui sert à acheter la paix sociale, chaque pas de plus pour ce pouvoir est un pas vers la rupture qui risque d'être suicidaire. C'est pourquoi, aujourd'hui, il faut beaucoup plus pour éviter une explosion dont les signes avant-coureurs sont là. Et pour commencer, la justice doit envoyer des signaux efficaces et apaisants au peuple, qui se sent trahi. Les Algériens ont besoin que leur Etat puisse repousser le pouvoir informel avant que ce dernier ne nous entraîne tous dans sa chute mortelle et inexorable ; que cet Etat puisse reprendre les rênes afin d'assumer son rôle et réagir fermement et équitablement face aux révélations des Panama Papers et face à toutes les dérives qui constituent la menace réelle contre le pays.