Le Printemps berbère d'avril 1980 est l'un des événements cruciaux de l'histoire de l'après-guerre de Libération en Algérie, surtout lorsque l'on sait que Boumediène avait muselé la liberté d'expression et instauré une forme de terrorisme politique qui avait réduit la scène à un affrontement entre progressistes et réactionnaires. Cela revenait à dire que celui qui contestait le socialisme irréversible de Boumediène était un traître», a martelé Saïd Sadi, ancien président du RCD, hier, lors d'une conférence organisée par son parti à la maison de la culture Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou dans le cadre de la célébration du 36e anniversaire du Printemps berbère. «La génération d'Avril 1980 a réussi à créer le combat pacifique. Ce mouvement, qui fut un vecteur de rupture dans la vie algérienne, s'avéra rapidement être aussi la potentialité démocratique nord-africaine la plus efficace. D'ailleurs, la question amazighe nous a menés à l'éveil politique», a laissé entendre le détenu d'Avril 1980, qui rappelle que «la verticalité, qui organisait nos rapports à nos aînés politiques ou intellectuels, s'est progressivement diffusée dans les comportements de chacun, puis a imprégné les échanges et les débats entre les différents courants d'opinions qui existaient à l'époque». Pour l'ancien leader du RCD, l'Etat n'a jamais été construit pour le développement de la société en Algérie. Il a été construit pour contrôler le peuple. «Le pouvoir a gagné en Kabylie le jour où il a instillé ce genre de régression morale et de démission civique. C'est la solidarité citoyenne, lentement et patiemment, qui a fait éclore Avril 1980. Sans cette solidarité, les animateurs d'aujourd'hui auraient peut-être définitivement disparu. Comment restaurer cette fonction sociale vitale au premier sens du terme», s'est-il interrogé avant d'appeler à la recréation de réseaux de communication par l'investissement de la proximité et l'inventivité afin, a-t-il insisté, de neutraliser «toutes les manipulations de corrupteurs». «Le combat d'Avril 1980 est le seul viatique qui assure la sauvegarde de la Kabylie, cette sauvegarde conditionne l'avenir de la démocratie en Algérie, la démocratie algérienne est le postulat de l'émancipation nord-africaine dont l'amazighité représente le ferment libérateur», a ajouté le Dr Sadi. Lui succédant, Arab Aknine, ancien animateur du Mouvement culturel berbère (MCB), a estimé qu'il y a une démobilisation remarquable dans les luttes démocratiques. Il a exhorté la jeunesse à reprendre le flambeau pour endiguer les manipulations du pouvoir. «Il est impératif de reconsidérer l'action politique», a-t-il déclaré avant d'ajouter : «L'échec de l'école a été planifié par les décideurs. L'instruction demeure donc le seul moyen pour redresser la barre.» Saïd Dounane, professeur d'université et l'un des 24 détenus d'Avril 1980, a souligné que le MCB a connu deux phases, la première est celle de la répression intense du pouvoir et la deuxième celle de «la neutralisation, la manipulation et la corruption de quelques éléments». Le quatrième intervenant, Mouloud Lounaouci, détenu d'Avril 1980 et ancien cadre du RCD, est revenu sur l'officialisation de tamazight à l'occasion de la dernière révision d'«une Constitution qui a répondu seulement à une situation d'urgence pour pérenniser le système en place. Les décideurs ont créé des institutions de manipulation pour récupérer la revendication identitaire au profit du pouvoir».