Tripoli a connu la semaine dernière un ballet diplomatique, une valse d'ambassadeurs et de ministres européens venus exprimer leur soutien à El Sarraj. Samedi soir, les milices ont fait retentir leurs armes à la cité El Andalous de Tripoli, histoire de dire qu'elles restent maîtres de la situation sur le terrain. Armes légères et missiles ont retenti samedi soir à Tripoli, non loin de la résidence du vice-président du gouvernement libyen, Ahmed Myitigue, à la cité El Andalous. Un communiqué de la milice Thouar Tarablous (les Révolutionnaires de Tripoli), publié sur sa page facebook, a précisé que la maison de Myitigue n'était pas visée. «Il s'agit juste d'une mise au point avec les unités de la force mobile qui a dépouillé les membres d'une cellule de la sécurité centrale de Tripoli de leurs armes et leurs voitures», précise le communiqué.Thouar Tarablous est l'une des plus fortes milices de Tripoli. Elle est dirigée par Haythem Tajouri, connu pour sa proximité avec Nouri Bousahmine, le président du Conseil national général. Cette milice n'a jamais été pour l'entrée du gouvernement El Sarraj à Tripoli. La force mobile est, par contre, favorable à El Sarraj. «Cela veut donc dire que Tajouri lance un clin d'œil signifiant que rien n'a changé et qu'il reste toujours l'un des hommes forts de Tripoli», selon le politologue et universitaire tripolitain, Mansour Younes. Valse diplomatique Tripoli a connu ces dix derniers jours une valse diplomatique avec l'arrivée d'ambassadeurs européens (Italie, Espagne, Grande-Bretagne, France et Allemagne), avant la venue du ministre italien des Affaires étrangères, suivie par celle, avant-hier, de ses homologues français et allemand. Tout le monde veut exprimer son soutien à l'installation du gouvernement El Sarraj à Tripoli. Fayez El Sarraj a également obtenu le soutien d'Erdogan à Istanbul et de l'émir du Qatar à Doha. Une quarantaine d'institutions internationales se sont également réunies à Tunis, la semaine dernière, et ont exprimé leur disposition à soutenir la reconstruction en Libye. Le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) va parrainer des projets en faveur des municipalités libyennes pour améliorer les conditions de vie des citoyens. Toutefois, la question sécuritaire et la lutte contre Daech restent les missions incontournables du gouvernement El Sarraj, qui n'a cessé de se prononcer contre les interventions étrangères, ce qui ne semble pas être l'avis des puissances étrangères. En effet, la commissaire européenne, Federica Mogherini, a exprimé la disponibilité de l'Union européenne à aider le gouvernement libyen par une force de maintien de la paix. Les ministres italien, allemand et français ont parlé de formation de troupes libyennes. Ils ont dit que ces formations sont prévues en dehors de la Libye. Des pourparlers ont même été engagés en Tunisie, depuis décembre dernier, pour abriter ces formations. La question du bras sécuritaire du gouvernement El Sarraj se pose avec insistance. Avenir des milices «Le pays a besoin d'une armée régulière qui soit en dehors des tiraillements régionaux, tribaux ou politiques. Mais, est-ce que les conditions dans lesquelles évolue El Sarraj lui permettent de réaliser cet objectif», s'interroge le politologue Ezzeddine Aguil, qui attire l'attention sur le fait que «El Sarraj vit actuellement en compromis avec les milices, qui gardent toutes leurs armes et leurs pouvoirs, comme l'indiquent les incidents de samedi soir». «Le gouvernement ne saurait rester sous la protection des milices, même si elles changent de casquette et prennent celle de l'armée», selon Aguil. Par ailleurs, Moussa Kouni, vice-président du gouvernement El Sarraj, a souligné dans ce sens que «les milices vont être intégrées dans les rangs de la police et de l'armée». Laquelle déclaration a soulevé des réactions de rejet de plusieurs formations politiques, à leur tête, l'Alliance des forces nationales (AFN). Son président, Mahmoud Jibril, appelle à «faire des sessions de formation de soldats pour les initier à la neutralité et à la discipline de l'armée et éviter d'engager les miliciens». La situation ne s'annonce pas facile pour installer les structures de sécurité en Libye. Entre-temps, l'émigration clandestine a repris de plus belle. L'amélioration des conditions météorologiques, la semaine dernière, a fait que plus de 6000 clandestins sont arrivés en Italie en provenance de la Libye. «Là aussi, les milices ne sont pas étrangères», selon un journaliste de Zouara qui préfère garder l'anonymat. Un autre casse-tête pour les Libyens et les Européens.