Au moment où les préparatifs pour marquer le 20 Avril vont bon train en Kabylie, où les animateurs du Mouvement culturel berbère (MCB) sillonnent la région pour animer des conférences, la situation semble susciter certaines appréhensions quant au déroulement des festivités. Des conférences sur le 20 Avril 1980 prévues dans les universités ont été interdites par l'administration. Cette année, la célébration du 36e anniversaire du Printemps berbère intervient dans un contexte un peu particulier, caractérisé notamment par l'interdiction des activités programmées. D'ailleurs, les préparatifs pour marquer le 20 Avril vont bon train à travers la Kabylie et les animateurs du Mouvement culturel berbère (MCB) sillonnent la région pour animer des conférences. Cependant, la situation semble susciter certaines appréhensions. La semaine dernière, contre toute attente, la conférence que devait donner Hakim Saheb, cadre du RCD, n'a pas eu lieu à l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou. Selon les organisateurs, cette rencontre a été interdite par l'administration qui a évoqué les instructions du ministre de tutelle qui «ne veut plus d'activités partisanes au sein de l'université» alors que les campus ont pour habitude d'abriter de telles rencontres à l'occasion de la célébration du Printemps berbère. «L'université de Tizi Ouzou, qui était le bastion des luttes démocratiques, ne doit pas être réduite à un lieu où l'on interdit la célébration du Printemps berbère, alors que l'étincelle de cet événement est partie d'ici, après l'interdiction de la conférence que devait animer Mouloud Mammeri le 10 mars 1980, sur Les Poèmes kabyles anciens. Trente-six années plus tard, on assiste aux mêmes pratiques. C'est vraiment dangereux pour l'avenir de l'université», clame un étudiant. Saïd Chemakh, professeur au département de langue et culture amazighes, a, lui aussi, dénoncé cette interdiction. Sur sa page facebook, il écrit : «Qu'un enseignant de l'université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou soit interdit de donner une conférence à des étudiants, on aura tout vu ! Il y a 36 ans, Mammeri a été interdit de conférence dans la même université. L'auteur des Poèmes kabyles anciens a ressuscité l'âme de l'éternel Jugurtha dans tous les cœurs des Kabyles qui refusent l'humiliation par ceux qui ont confisqué l'indépendance algérienne depuis 1962. Le Printemps berbère y a vu le jour avec ses bouleversements tous azimuts. Souhaitons que l'interdiction de la conférence de Hakim Saheb puisse ouvrir de nouveaux horizons pour les Berbères et tamazight.» Saïd Boukhari, l'un des animateurs du MCB, a confirmé que la conférence que doit animer Saïd Khelil (l'un des détenu d'Avril 1980) aujourd'hui à l'université Mohand Oulhadj de Bouira n'a pas été autorisée. Il estime que «malgré les menaces du pouvoir, le 20 Avril constitue un événement important auquel toutes les populations doivent participer sereinement, dans la pluralité et la diversité car, contrairement à ce qui est rabâché par les décideurs, le combat pour tamazight ne fait que commencer. Le pouvoir est habitué à s'approprier toutes les revendications populaires pour les vider de leur sens. C'est ce qui arrivera à notre langue si nous ne sommes pas vigilants». Allusion faite, sans doute, aux différentes activités programmées par les institutions publiques pour marquer le Printemps berbère. «En plus des provocations du wali qui a découvert qu'il peut marcher pour tamazigh, le pouvoir commence déjà à interdire toutes les voix discordantes contre sa démarche. En tant qu'ancien militant, j'appelle les citoyens à ne pas répondre à la provocation et à fêter cet événement dans la sérénité», a ajouté Saïd Boukhari. Deux marches sont prévues mercredi dans les villes de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira : l'une à l'appel du RCD pour exiger «l'officialisation effective de la langue amazighe» ; l'autre à l'initiative du MAK pour s'élever contre «les arrestations ciblées et répétées des cadres du mouvement ainsi que des militants actifs». Les organisateurs des deux actions promettent de mobiliser des milliers de personnes en dépit des «mises en garde du pouvoir». Lors de sa visite, samedi à Constantine, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, a insisté sur l'unité nationale qui est, a-t-il affirmé, «une ligne rouge à ne pas dépasser. L'Algérie demeure un pays uni qui ne pourra jamais être divisé comme l'espèrent certaines parties». Il a déclaré également que «grâce à la constitutionnalisation de tamazight en tant que langue nationale et officielle, il a été mis fin à la politisation de cette langue pour devenir l'une des constantes de l'identité nationale». Des déclarations qui sonnent, selon nombre de militants, comme un signe avant-coureur pour «empêcher l'action de terrain à l'occasion du 20 Avril». «Espérons que le pouvoir ne mobilisera pas les forces de sécurité pour réprimer les marches de mercredi», appréhendent-ils.