L'ancien président du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), Saïd Sadi, n'y est pas allé avec le dos de la cuillère pour fustiger le régime, à l'occasion d'une conférence-débat animée, hier à Haizer (Bouira), qu'il accuse de vouloir chercher à «confisquer le 20 Avril». Il a estimé que le pouvoir «est aux abois» et que «s'il cherche à accaparer le terrain et faire passer ses messages visant à confisquer le 20 Avril, c'est parce que nous avons fait marche arrière et abandonné le terrain. Donc, il est très possible que le pouvoir ait cru qu'il était en mesure d'avancer jusqu'à confisquer le 20 Avril», a-t-il déclaré. Du point de vue de Saïd Sadi, tamazight «n'est pas un programme politique mais une question d'histoire, de mémoire et de civilisation». Un des principaux animateurs du Printemps berbère, M. Sadi rappelle qu'aucun acteur des événements d'Avril 1980 ne peut dire que «notre combat était manipulé ou parti du néant. C'était un mouvement structuré, avec une vision claire, nette et précise, celle visant la promotion des libertés démocratiques». Commentant la célébration du 36e anniversaire du Printemps berbère, marqué par une forte mobilisation populaire, l'ex-leader du RCD dit regretter l'absence du FFS à ce rendez-vous. «Ce n'est pas pour faire un rapport de force entre les tendances, mais pour créer un rapport de force global contre le pouvoir», a-t-il clamé sous les applaudissements d'une assistance nombreuse. Concernant le Mouvement pour l'autodétermination (MAK), Saïd Sadi — qui préside la fondation Afud — a eu des mots brefs mais percutants : «Tout le monde a le droit de débattre ; il faut accepter tous les avis qui doivent être écoutés et surtout débattus. A mon sens, ce projet n'a pas de contenu.» Abordant l'officialisation de la langue amazighe dans la nouvelle Constitution, Saïd Sadi a qualifié la démarche du pouvoir de «piège». Il dit avoir lu la version originale du texte de la Constitution bourrée, selon lui, «de fautes et de contradictions». Une «régression», juge-t-il. «Dans le préambule de la Constitution, tamazight n'est plus un fondement constitutif de la nation. Or, le pouvoir a bel et bien mentionné que l'arabe est la langue officielle de l'Etat, c'est un non-sens.» «La langue officielle, dans tous les pays du monde, est la langue des institutions. Dire que tamazight est également langue officielle mais pas dans les institutions, cela revient à dire qu'elle n'est pas officielle», relève-t-il. Pour l'ancien leader du mouvement d'Avril 1980, le procédé participe d'une «opération politicienne destinée à calmer la revendication amazighe parce qu'il y a une guéguerre entre les clans du pouvoir en attendant de passer le gué pour reprendre la main. C'est une anesthésie politique décidée par le pouvoir, le temps de régler ses problèmes. C'est une opération de manipulation, de diversion», accuse encore Saïd Sadi. Pour lui, il s'agit d'une opération «dangereuse et grave vu que le pouvoir est en train de ruiner le pays». Pour enfoncer le clou, l'ex-chef du RCD estime que c'est tout le drame dès lors que «la présidence de la République n'arrive pas à écrire un texte en langue française sans faute et sans contradiction de sens, on peut sérieusement s'inquiéter». Les «tournées malsaines» de Chakib Khelil Actualité oblige, le fondateur du RCD n'a pas passé sous silence le retour de l'ancien ministre de l'Energie, Chakib Khelil, et sa tournée à travers les zaouïas. Il affirme que deux clans s'affrontent au sommet de l'Etat, le DRS et le cercle présidentiel. «Il paraît que la justice italienne a des choses sur ce dossier. Mais le dossier Khelil existe depuis des années, il n'a pas été rendu public. Et quand cela a eu lieu, c'est pour faire pression sur Bouteflika et le pousser vers la sortie, mais ce n'était pas la solution», analyse-t-il. Le conférencier considère que le «DRS devait transmettre ce dossier de corruption à la justice et non le garder pour le sortir des années après. Les clans du pouvoir, aussi bien le DRS que la Présidence, se sont servis du dossier Khelil pour se livrer une guerre Bouteflika contre Toufik». Sans équivoque ni détour, Saïd Sadi estime que «les deux clans sont identiques. Ils jouent de la corruption, se gênent les uns les autres. Or, on ne joue pas sur la corruption, on combat la corruption». Il les renvoie dos à dos en déclarant : «Je ne vais pas m'aligner sur un clan ou sur un autre, parce qu'ils sont identiques. Ils partagent ensemble la fraude électorale, la corruption et l'opacité et le refus de transparence.» «Il ne faut pas s'attaquer à un clan mais il faut s'attaquer à un système qui produit des clans», a-t-il martelé. Revenant au cas de l'ancien ministre de l'Energie, Saïd Sadi met en garde et juge «malsaine» sa tournée à travers les zaouïas : «Il est de retour et en train de faire le tour des zaouïas, cette campagne médiatique à travers la religion est malsaine.»