Les 22 000 mégawatts d'énergie électrique qu'ambitionnent de produire les pouvoirs publics à partir des énergies renouvelables à l'horizon 2030 nécessitent d'importants efforts. Non seulement en termes de financement, d'aides à l'investissement et de facilitations administratives dans ce domaine, d'autres conditions primordiales sont en effet à mettre en place pour gagner la bataille de la transition énergétique dans un pays où les technologies dédiées aux Energies renouvelables (EnR) sont encore méconnues et dans une phase où l'on continue à faire appel au savoir-faire étranger pour accélérer la mise en œuvre du programme national de développement des EnR. C'était d'ailleurs le cas, le 10 avril dernier, lors des premières rencontres algéro-françaises de la formation professionnelle durant laquelle la partie algérienne a eu l'appui français pour le développement des métiers du renouvelable. Un créneau où beaucoup reste à faire vu les besoins en ressources humaines qualifiées (au double niveau managérial et technique) des entreprises algériennes qui se sont lancées dans l'aventure des EnR. Si, auparavant, les offres d'emploi dans ce secteur n'étaient pas légion, ce n'est plus le cas aujourd'hui avec l'arrivée dans le monde des affaires de nouvelles entités économiques versées dans la fabrication des équipements dédiés au solaire et à l'éolien, notamment à la faveur des mesures incitatives du gouvernement décidées dans le cadre du programme national de développement des EnR adopté en 2011. Les spécialités des EnR en attente Cependant, cinq ans après avoir franchi ce pas, en matière de formation dans un segment d'activités aux besoins spécifiques et considéré parmi les secteurs économiques novateurs, rien d'important à signaler. L'élaboration du programme n'a pas été suivie par une politique dédiée aux métiers des EnR. Les actions restent justement éparses dans ce domaine. A l'exception de l'école technique de Sonelgaz de Rouiba qui dispense des formations de courte durée et de certaines écoles privées qui proposent des stages à la demande à cet effet en intégration à l'énergie solaire photovoltaïque, l'installation et la maintenance des systèmes photovoltaïques autonomes et l'installation et la maintenance du système chauffe-eau solaire individuel, les autres acteurs de la formation ne sont pas impliqués dans ce domaine. Si le solaire et le photovoltaïque se sont imposés dans les programmes des instituts et autres écoles privées, ce n'est pas le cas dans les universités ou dans les centres de formation professionnelle où une place minime est accordée aux spécialités des EnR. Pourtant, du côté des responsables de ce secteur, on n'a pas cessé de rappeler la nouvelle stratégie du secteur qui prenait en considération les développements des nouvelles filières. Même engagement de la part de l'enseignement supérieur. Or, ce n'est qu'en 2015 qu'est sortie la première promotion des ingénieurs des EnR. Et dire que l'investissement dans ce secteur nécessite une technologie de pointe et un savoir-faire technologique qui ne sont pas maîtrisés convenablement en Algérie. Comment faire alors face à une telle situation ? «Le programme de développement des énergies renouvelables devra être associé à un programme de formation et de capitalisation qui, à terme, permettra à nos cadres d'acquérir un savoir-faire efficient dans le domaine des EnR, notamment en matière d'engineering et de conduite de projets solaires et/ou éoliens, des ingénieurs en énergie solaire et génie climatique, des techniciens en maintenance des installations solaires et éoliennes», nous dira Kamel Aït Chérif, expert en économie d'énergie. Des capacités locales pour assurer la transition énergétique Pour ce dernier, «le plus grand défi pour développer les métiers des EnR en Algérie sera de mettre en place une vraie politique de formation dans ce domaine, et ce, pour être prêt à pourvoir, le moment voulu, tous les postes localement». Des postes dont le nombre pourrait s'élever à 100 000 emplois directs au cours des vingt prochaines années, selon certaines estimations. Autant alors se préparer. Ce qu'estime également le professeur Chems Eddine Chitour, directeur du Laboratoire de valorisation des EnR de l'Ecole nationale polytechnique. «La transition énergétique, devenue même urgente, doit se faire avec des capacités humaines locales». Pour cela, il faudrait travailler dans un cadre d'organisation intersectoriel. Autrement dit, pour le Pr Chitour, la stratégie énergétique de l'Algérie ne doit pas être du ressort du seul ministère de l'Energie. «C'est aussi la de responsabilité des ministères de l'Education, de l'Enseignement supérieur et de la Formation professionnelle qui doivent proposer un baccalauréat du Développement durable et mettre en place des métiers du développement durable autour de l'énergie, l'écologie des économies d'énergie, les métiers d'ingénieurs et de techniciens dans les domaines pétrolier et minier», a-t-il expliqué. Un avis que partage Kamel Aït Chérif qui juge nécessaire d'assurer la synergie des compétences. Comment ? «Il faudrait travailler en décloisonnement entre les ministères de l'Energie, de l'Industrie, de l'Enseignement supérieur, de la Formation professionnelle, les entreprises publiques et privées». Car, poursuivra-t-il, «le problème en Algérie, c'est celui du cloisonnement et de la coordination intersectorielle, parfois inexistant !» La piste des partenariats L'autre piste à exploiter est la coopération avec les champions à l'échelle mondiale dans ce domaine. L'apport des partenaires étrangers dans ce cadre est en effet important pour bon nombre d'experts. «Il est impératif pour l'Algérie de développer une collaboration avec des partenaires étrangers spécialistes dans le domaine des EnR pour développer convenablement les métiers du renouvelable en Algérie», notera M. Aït Chérif. Justement, cette coopération se fait toujours attendre. L'expérience de Schneider Electric via un partenariat avec le ministère de la Formation professionnelle qui s'est concrétisé cette année à travers l'ouverture d'un centre d'excellence à Rouiba, avec pour vocation de répondre aux besoins des entreprises sur les nouvelles problématiques des automatismes industriels, de l'efficacité énergétique et des énergies renouvelables à Rouiba gagnerait à être généralisée.