L'Arabie Saoudite va se serrer la ceinture. Avec un prix du baril d'à peine 45 dollars et une guerre au Yémen de plus en plus coûteuse, Riyad cherche à diversifier ses sources de revenus afin de continuer à financer sa généreuse politique sociale et éviter toute explosion populaire. C'est le sens du train de réformes annoncé mardi dernier par Mohamed ben Salmane, puissant prince héritier du royaume, dans le cadre de ce qui est appelé «Vision 2030». Ce plan est censé diminuer drastiquement la dépendance du royaume vis-à-vis de l'or noir sur lequel son économie se base à près de 90% aujourd'hui. L'une des mesures phares est la création d'un fonds d'investissement le plus richement doté au monde. L'argent de ce fonds proviendrait de la vente de 5% du géant national du pétrole Aramco, l'équivalent de Sonatrach pour l'Algérie. Cette ouverture du capital d'une société nationale emblématique est une première dans le royaume et va lui rapporter 2000 milliards de dollars, soit quatre fois la valeur d'Apple en Bourse, par exemple. C'est avec ce fonds que les tenants du wahhabisme veulent financer la transition vers les énergies renouvelables pour ne plus dépendre du pétrole. Le royaume s'est donné 15 ans pour y parvenir. «Les investissements doivent devenir la première source de revenus du gouvernement saoudien», a expliqué le prince Ben Salmane lors d'une conférence tenue à Riyad mardi dernier. Il a cité comme exemple ses voisins directs, tels que le Qatar et les Emirats arabes unis qui, en presque vingt ans, ont réussi à soustraire leur économie de la dépendance pétrolière au profit de l'industrie du tourisme, des nouvelles technologies et des services. La vente de 5% d'Aramco sera accompagnée également d'autres mesures : simplifications administratives pour les investisseurs et allègement de la politique de sponsoring qui répugne les étrangers. Le leadership régional coûte cher à Riyad Ce nouveau cap saoudien n'est pas pris de gaieté de cœur. Il risque même d'engendrer des troubles sociaux ou jeter de nombreux jeunes exclus de la croissance économique qu'a connue le pays les dix dernières années dans les bras du terrorisme international. Mais l'argent commence à manquer. Alors que les recettes pour 2016 devraient s'élever à 137 milliards de dollars (sur la base de 40 dollars le baril), les dépenses, quant à elles, pourraient avoisiner les 225 milliards, soit un manque à gagner de plus de 80 milliards de dollars. Déjà, les factures d'eau, de gaz et de l'électricité se sont envolées ces derniers mois, créant un malaise dans la société qui commence à critiquer ouvertement les choix du nouveau roi Salmane, à s'avoir la guerre au Yémen et le bras de fer engagé avec son voisin et ennemi iranien. Engagé dans une lutte d'influence avec Téhéran, Riyad sait que gagner la bataille du leadership régional nécessite beaucoup de moyens financiers. Des moyens dont elle commence à manquer cruellement, au moment même où l'image de l'Iran connaît un léger embellissement au niveau international.