Il serait le doyen des journalistes en activité en Algérie. De 1963 à ce jour, sa plume est toujours généreuse. A 75 ans, le métier le passionne encore ; il prend toujours du plaisir à rédiger un article. Lui, c'est Rachid Semmad, ayant à son actif 53 ans de métier ! «Mon premier article a été rédigé en mars 1963, alors jeune correspondant de presse du journal Al Chaab, j'ai couvert avec le président Ahmed Ben Bella la cérémonie de nationalisations des terres de la ferme Bouchaoui (ex-Borgeaud) ; par la suite, toujours avec Ben Bella, j'ai assuré plusieurs couvertures du tournoi à la mémoire du militant-écrivain Frantz Fanon à Blida», se souvient-il. «Après l'indépendance, le milieu de la presse se résumait à quelques titres : Al Chaab en langues française et arabe, Alger ce Soir. Alger Républicain, Révolution Africaine (organe du FLN) et Révolution et Travail. Les pionniers de la presse nationale se comptaient sur les doigts d'une main. Nous formions une famille soudée... Loin de nous l'idée de briguer un poste de responsabilité, nous étions de véritables chevaliers de la plume», ajoute-t-il, nostalgique. A l'occasion de la Journée internationale de la liberté de la presse, cet autodidacte rend hommage à tous ses anciens collègues ; certains sont morts, d'autres ont choisi d'autres horizons. «Mais je peux en citer quelques-uns, la liste étant longue : Ahmed Belaïd, rédacteur en chef du Peuple, Bachir Rezzoug, Mahieddine Allouache, Halim Mokdad, Lies Hamdani, Zouaoui Benamdi, Kamel Belkacem, Nourredine Naït-Mazi, Abdelmadjid Hadji, Mohamed Mansouri, Mohamed Abderrahmane, Mahmoud Boussoussa, Abdelmadjid Cherbal, Mohamed Semghouni, Mohamed Arabdiou, Omar Belhouchet, Mohamed Saidani, Tayeb Belghiche, Mokhtar Chergui et bien d'autres», énumère-t-il. Correspondant local à Blida, puis journaliste à la rédaction centrale, il a eu le «privilège» d'assister à tous les événements qu'a connus le pays, de l'indépendance à ce jour. La liesse de l'indépendance, qui a emballé tout le peuple après une longue Guerre de Libération nationale, le coup d'Etat de Boumediène le 19 juin 1965, la nationalisation historique des hydrocarbures le 24 février 1971, les Révolutions agraire et industrielle, la mort, en 1978, du président Boumediène et ses funérailles nationales les mandats de Chadli Bendjedid, l'arrêt en 1992 du processus électoral... «que j'ai vécu en mission à Beni Abbès, dans la wilaya de Béchar», l'image de l'assassinat de Mohamed Boudiaf, à Annaba, qui ne le quitte jamais puisqu'il était présent sur place, la montée de l'islamisme radical avec la tragédie nationale... Comme chaque journaliste, «j'avais peur de mon ombre, chaque fois que je devais prendre le train à Blida pour me rendre au siège du journal, El Moudjahid à Alger. Il m'arrivait souvent dans le train, en feuilletant les titres des journaux de lire des infos sur l'assassinat de collègues journalistes, ce qui me mettait dans un tel état de choc que je ne pouvais pas me concentrer pour rédiger l'article commandé». Depuis 1998, Rachid Semmad est directeur et rédacteur de la revue de l'organisation patronale Ceimi, à Blida. «Pour terminer, je voudrais lancer un message aux jeunes confrères avec tout le poids de mon âge : travaillez dans la droiture et la sérénité, dans le respect de la déontologie, dans la transparence et sans esprit de complaisance pour permettre à la presse d'être le véritable miroir des aspirations de la population.»