La semaine a débuté avec une bien mauvaise nouvelle. Le déficit prévisionnel du budget de l'état pour 2016 sera atteint avant la fin du premier semestre. Peut-être même avant la fin du mois de mai en cours. En un bimestre, janvier et février, le Trésor a dépensé 1404 milliards de dinars de plus qu'il n'a engrangé. Pour toute l'année 2016, ce déficit devait atteindre 3236,8 milliards de dinars - 33 milliards de dollars à la parité actuelle. Si le volume mensuel du gap se maintient à l'équivalent, le déficit sera de 2800 milliards de dinars au bout de 4 mois de l'année. C'est un naufrage complet des comptes publics. Qui dit bien ce que les Algériens savaient. Le gouvernement Sellal est incompétent pour conduire une contre-politique redistributive. Encore plus incapable d'agir sous le magistère du 4e mandat de Bouteflika qui exige le statu quo à tous les niveaux. Pour illustrer la bérézina du gouvernement, un indicateur : les dépenses budgétaires ont augmenté de 65% sur les deux premiers mois de l'année rapportées à celles de 2015. Incompréhensible. Omission d'un déflateur dans la comptabilité nationale ? Le fait est que l'Etat a dépensé plus pendant les deux premiers mois d'une loi de finances, celle de 2016, qui devait introduire la rigueur budgétaire. A l'intérieur de la hausse des dépenses, le budget de fonctionnement a fait un bon de 34%. La publication de ces chiffres sur le site du Trésor public peut paraître comme une sorte d'alerte interne au système, donnée par le département de Benkhalfa. Elle a été relayée par l'APS. Et a immédiatement provoqué une forte inquiétude dans la communauté des économistes et dans les milieux d'affaires. La conclusion est à la fois simple et cinglante. La réponse au contre-choc pétrolier n'est pas maîtrisée. Le gouvernement n'arrive pas à endiguer l'emballement du déficit budgétaire. Certes, il a été surpris par un accès de faiblesse du baril les deux premiers mois de l'année. Mais cela n'explique pas son incapacité à réduire les dépenses. La première conséquence de cette aggravation de la situation est encore plus préoccupante. Le gouvernement s'est lancé dans un plan d'endettement domestique échevelé dans le gabarit est hors normes. A l'échelle d'un déficit budgétaire qui pourrait dépasser les 6000 milliards de dinars et dont le Fonds de régulation des recettes (FRR) ne pourrait désormais plus financer qu'une petite partie durant l'année. La meilleure prévision officielle situait le reliquat du FRR à 1,7 milliard de dinars à fin 2016 pour un prévisionnel de prix moyen du baril de pétrole à 50 dollars pour l'année. Une prévision déjà jugée trop optimiste et soufflée depuis par le plongeon d'un quasi trimestre du prix du baril sous les 35 dollars. Le risque d'un effondrement de l'économie algérienne dans les prochains mois reste pour autant faible. L'Algérie est toujours sur le sentier d'un ralentissement progressif de son activité économique sous les effets d'un étranglement des finances publiques qui lui s'accélère. Le ralentissement va donc lui aussi s'épaissir par le fait de la rareté des ressources pour financer la «bonne» croissance, celle qui ne consomme pas du budget d'Etat, mais le renfloue plutôt. Il transforme un atterrissage contrôlé en une descente d'urgence. Les signes de tension sur ce front se multiplient. Le ministre des Finances a ordonné aux banques publiques d'acheter pour près de 100 milliards de dinars de l'emprunt public. Il a accentué de manière déloyale la compétition autour de l'épargne disponible. Celle qui devait partir vers le financement de l'investissement des entreprises est captée d'autorité par le Trésor public. Pour «soutenir» un budget de fonctionnement insoutenable. Même les excédents de trésorerie de Sonatrach subissent à la Banque extérieure d'Algérie un effet d'éviction en se retrouvant enrôlés dans le financement du déficit public. La conjoncture voudrait qu'ils soient employés à amorcer les montages financiers qui portent le plan d'investissement de la compagnie. Pas d'écroulement donc. Mais un enlisement rapide dans le cercle vicieux de la stagnation. La Banque d'Algérie va devoir relâcher un peu plus l'encadrement de sa politique monétaire. Elle a engagé déjà des avances au Trésor public. Elle va devoir laisser filer le dinar un peu plus et refinancer plus énergiquement les banques commerciales. La prévision sur l'évolution du déficit budgétaire n'est pas la seule à être prise en flagrant délit de délire au bout de deux mois de 2016. La loi de finances de 2016 prévoit une moyenne annuelle de l'inflation à 4 points. Elle est déjà quasiment de 5 points au 1er trimestre de l'année. Elle va aller en s'emballant. Rendre le crédit bancaire forcément plus cher. Et contraindre l'investissement et la croissance. L'amortissement de la chute de l'économie algérienne a produit une distorsion de son espace-temps. Les autorités continuent de penser avoir de l'espace. Et donc du temps. En vérité, le scénario a évolué en six mois. Entre le moment où la loi de finances pour 2016 a été dessinée et maintenant. Dans le sens du pire. Le FRR sera épuisé avant la fin du 3e trimestre. Le budget de l'Etat passera en mode financement par l'endettement et par l'affaiblissement du dinar. Il restera à observer l'évolution des réserves de change. Elles vont sans doute fondre de plus de 50 milliards de dollars sur la seule année 2016. Pas d'effondrement en 2016 ; certes. Aucune garantie au-delà des 20 mois. La bonne nouvelle de la semaine est qu'un ministre de la république est venu écouter des citoyens parler d'avenir. Abderahmane Benkhalfa, il est beaucoup question de lui cette semaine, a suivi une bonne partie des travaux du collectif Nabni dédiés, samedi dernier, à la question essentielle : «De quoi rêvent les Algériens ?». Délicate intention. Par laquelle les présents ont pu apprendre que le ministre des Finances est également en charge de la prospective au sein du gouvernement. Qu'a donc écouté le prospectiviste de la République ? Des rêves censés qui feraient de l'Algérie un pays agréable à vivre, le A du futur BRICA, pays émergents, un pays sans Hogra, sans Harga, avec des universités dans le gotha mondial, un pays qui n'a pas peur, un pays aux frontières ouvertes, un pays qui reçoit beaucoup de touristes, un pays dirigé par une femme, un pays qui organise la Coupe du monde de football. Le ministre-citoyen prospectiviste aurait dû écouter jusqu'au bout. Il a parlé. Pour dire en gros que les Algériens étaient trop exigeants (dans leurs rêves ?) et impatients. Décevant.