Installé fin mars, le gouvernement d'union dirigé par Fayez Al Sarraj et soutenu par l'ONU tente d'asseoir son autorité. Entre-temps, il doit faire face au groupe de l'Etat islamique (EI). Jusque-là, il a pu rallier les forces et milices présentes dans l'ouest et compte restructurer les forces de sécurité pour asseoir son autorité. Mardi dernier, il a annoncé la création d'une nouvelle force armée chargée de protéger les sièges gouvernementaux, les postes-frontières et les hautes personnalités. Basée à Tripoli, cette «garde présidentielle» sera exclusivement composée de soldats et de policiers «sélectionnés dans les différentes régions» libyennes, a annoncé le gouvernement d'union. Elle devra sécuriser les «sièges présidentiels (...) et les bâtiments publics», en plus de la protection rapprochée des membres du gouvernement et des délégations étrangères. Elle aura aussi pour mission de protéger les «sites sensibles, y compris les postes-frontières maritimes, aériens et terrestres, les sources et le réseau de fourniture d'eau et les centrales électriques». Les infrastructures, notamment pétrolières, ont été attaquées à plusieurs reprises par l'EI qui a pris le contrôle de la région de Syrte, à 450 km à l'est de Tripoli. Entre-temps, des milices demeurent présentes à Tripoli et dans les villes de l'ouest, ayant gardé leur arsenal après avoir combattu les forces d'El Gueddafi en 2011. Dans l'est, une autorité parallèle est encore en place avec des forces armées qui lui sont loyales, notamment sous le commandement du général Haftar. Le gouvernement d'union craint que ce dernier ou d'autres milices ne lancent une offensive unilatérale contre l'EI à Syrte, ce qui pourrait entraîner le pays dans une nouvelle guerre civile. Sachant qu'il n'a, jusque-là, aucune autorité sur les forces commandées par le général Haftar. Ce dernier s'est signalé en lançant sa première opération contre les islamistes en mai 2014. Les autorités l'ont accusé de «tentative de coup d'Etat». En octobre de la même année, bénéficiant du soutien du Parlement et du gouvernement reconnus par la communauté internationale, il lance une contre-offensive dans le but de reconquérir Benghazi. Comment gérer l'autorité parallèle ? Le 6 mai dernier, le gouvernement d'union a mis sur pied un commandement des opérations militaires contre l'EI interdisant à tous les groupes armés du pays d'agir sans avoir obtenu son autorisation. Il a aussi annoncé «la formation d'une cellule spéciale des opérations militaires» contre l'organisation djihadiste. Cette cellule coordonnera les opérations de lutte contre l'EI dans une zone s'étendant de Misrata à Syrte, fief de l'organisation djihadiste selon le gouvernement, en demandant à tous les groupes armés de s'abstenir d'agir sans son feu vert, à l'exception d'opérations de légitime défense. Le commandement des opérations militaires est présidé par le général Bachir Mohamad Al Qadi ; il est composé de six membres et placé sous l'autorité directe du commandant suprême de l'armée libyenne. Les deux gouvernements préparent, chacun de son côté, la bataille de Syrte, aux mains des djihadistes depuis juin 2015. Et sans compromis politique entre les deux gouvernements, la perspective de l'impérieuse nécessité d'une coordination sur le terrain des opérations pour neutraliser l'EI est écartée. Une aubaine pour les djihadistes dans leur quête de nouveaux territoires. En parallèle, le processus de stabilisation du pays amorcé par le gouvernement d'union et parrainé par les Nations unies ne sera qu'entravé. Le ministre italien des Affaires étrangères, Paolo Gentiloni, a annoncé la semaine dernière la tenue d'une réunion sur la Libye lundi prochain à Vienne en présence «des principaux acteurs régionaux et internationaux», dans le but de soutenir le «processus de stabilisation» de ce pays. Fin 2015, l'ancienne puissance coloniale de la Libye a accueilli à Rome une réunion internationale axée sur un règlement politique de la crise libyenne. Rome a donné son accord en février dernier à l'utilisation, au cas par cas, de drones déployés sur la base américaine de Sigonella, en Sicile, pour combattre l'EI en Libye. Les Etats-Unis ont bombardé pour la première fois ce groupe en Libye en novembre 2015. En février dernier, des avions américains ont attaqué un camp d'entraînement de l'EI à Sabrata, à 70 km à l'ouest de Tripoli. Les 18 et 23 août, des avions de chasse des Emirats arabes unis ont bombardé secrètement le sud de Tripoli avec le soutien logistique de l'Egypte. Le 15 février 2015, Le Caire a bombardé des positions de l'EI à Derna, à l'est de Tripoli, en représailles à la décapitation de 21 coptes égyptiens revendiquée par l'organisation djihadiste.