La relation de Monseigneur Claverie avec l'islam devait faire l'objet d'une conférence préparée pour la journée d'hier par Bernard Janicot, prêtre catholique qui dirige le Centre de documentation économique et sociale (CDES), une bibliothèque de 30 000 ouvrages qui compte 3000 étudiants inscrits. Représentant de l'autorité locale, de la direction des affaires religieuses, l'imam de la mosquée des Planteurs, des élus locaux, des personnalités de la communauté chrétienne mais aussi des acteurs de la société civile et des citoyens de confessions chrétienne, musulmane ou autre ont assisté vendredi au colloque de deux jours organisé au centre diocésain à la mémoire de Pierre Claverie, ancien évêque d'Oran, 20 ans après son assassinat, en août 1996, en compagnie de son ami et chauffeur Mohamed Bouchikhi. La sœur de l'évêque, Anne-Marie Gustavson, et son mari venus des Etats-Unis ainsi que la famille de Mohamed ont pris part à la cérémonie. Après les remerciements adressés par Jean-Paul Vesco (évêque du diocèse d'Oran) à tous les gens qui ont répondu à l'invitation et le rappel des centaines de milliers de morts, dont des imams qui ont été également assassinés durant la décennie noire, un film documentaire de 26 minutes a été projeté pour retracer, quoique brièvement, le parcours de celui qui a beaucoup fait pour le rapprochement des hommes, au-delà de leurs différences. Le film réalisé par Amalia Escriva a été projeté en avant-première, car il ne sera diffusé sur la chaîne France 2 que le 7 août prochain. La réalisatrice est elle-même d'origine pied-noir et c'est pour réaliser ce film qu'elle s'est décidée à venir pour la première fois en Algérie, pays où étaient installés ses parents qui, après leur départ d'Algérie, ont décidé de refermer définitivement la page. «C'est une expérience bouleversante dont je suis encore imprégnée», a déclaré la réalisatrice, qui a fait parler plusieurs acteurs ayant connu l'évêque, autant ses coreligionnaires que des gens résidants à Oran qui ont accepté de témoigner. Après une table ronde autour de ce film, Monseigneur Henri Tessier a donné une conférence pour expliquer pourquoi la pièce de théâtre au programme de la soirée de vendredi, intitulée Pierre et Mohamed, avec Francesco Agnello et Jean-Baptiste Germain, réalisée d'abord pour le festival d'Avignon, a été représentée plus de 640 fois depuis 2011. Il s'est également intéressé à l'évolution de la demande pour cette création artistique qui a fini par toucher des publics inédits, tels les lycéens. Cette pièce écrite par Adrien Candiard, un frère dominicain comme l'était Pierre Claverie, est basée sur les discours et les écrits de l'évêque, mais aussi sur le carnet de route de Mohamed Bouchikhi. Mgr Tessier s'appuie sur le contenu de la pièce, mais son intervention déborde pour toucher tous les aspects qui indiquent, encore aujourd'hui, pourquoi le message de Pierre Claverie — qui prône l'amitié, le respect et la compréhension de l'autre — reste toujours d'actualité. Les parcours ne sont pas les mêmes pour tous mais, pour l'ancien archevêque d'Alger, «Pierre a eu la franchise de dire : j'étais dans une bulle coloniale» pour expliquer que ce n'est qu'après l'indépendance que ce fils de pied-noir s'est pleinement engagé pour construire quelque chose entre les communautés : «L'autre qui, durant la période coloniale, faisait seulement partie du paysage et qui un jour m'a sauté à la figure et m'a montré qu'il existe.» Evoquant les violences qui caractérisent le monde d'aujourd'hui avec les enlèvements de jeunes filles au Nigeria ou la persécution de chrétiens au Moyen-Orient, l'orateur estime que «ce n'est pas tant la communauté chrétienne qui est visée mais c'est une souffrance qui vise l'unité des nations où sont commises les atrocités». Mgr Henri Tessier préfère se souvenir des bonnes actions que de la violence. Il témoigne avoir été sauvé lui-même par les habitants d'un village sunnite au Liban lorsque, dans les années 1970-80, il officiait avec l'organisation Caritas, le service social de solidarité pour les pays arabes. Il a également partagé un souvenir concernant des jeunes d'Alger venus assister aux funérailles d'une assistante sociale par reconnaissance pour une dame qui les laissait fumer dans sa modeste R4 durant les nuits froides de l'hiver. La relation de Mgr Claverie avec l'islam devait faire l'objet d'une conférence préparée pour la journée d'hier par Bernard Janicot, prêtre catholique qui dirige le Centre de documentation économique et social (CDES), une bibliothèque de 30 000 ouvrages qui compte 3000 étudiants inscrits. Loin de tout prosélytisme, dans les témoignages et les interventions, c'est plutôt le besoin d'écouter l'autre pour se comprendre soi-même qui a été mis en avant.