Mort il y a 67 ans, Amar Kadi dit Amar Amsah mobilise et rassemble autant que les vivants. Dans sa région natale, Naciria (40 km à l'est de Boumerdès), ce révolutionnaire avant l'heure est considéré comme le symbole de la résistance contre le colonialisme français. Le parcours de ce militant, qui a fait vibrer la puissance coloniale entre 1947 et 1949, reste source de fierté pour toute la population, hommes et femmes, grands et petits. Né en 1921, Amar Amsah était membre de l'Organisation spéciale (OS). «Il a pris le maquis en juillet 1947 dès qu'il a abattu Dédier Melmoux, un célèbre inspecteur de la police coloniale à Naciria, ex-Haussonvillers», précise M. Benameur, un passionné d'histoire, qui a réalisé une brochure retraçant le parcours du martyr. Selon lui, Amar Amsah avait poursuivi son combat dans la clandestinité jusqu'au jour de son assassinat, à Sidi Daoud. Depuis quelques années, la date marquant l'anniversaire de sa mort, le 16 mai, est vécue comme un grand moment où l'on se rappelle des luttes et des hauts faits d'armes de ceux qui se sont sacrifiés pour que l'Algérie vive libre et indépendante. Après la réalisation d'une stèle à l'effigie du héros en 2015, cette année, les festivités ont été dédiées au 4e art. L'association locale Tamussni, qui a l'habitude de fêter l'événement en collaboration avec les autorités locales, a créé, avant-hier, la surprise en organisant deux pièces théâtrales en plein air, au village Aït Aliane, au pied des monts de Sidi Ali Bounab. Cette région, considérée jusqu'à récemment comme un refuge des terroristes, a vibré, avant-hier, sous les chants révolutionnaires de Farid Ali et Ali Idflawen et les applaudissements du public, venu nombreux assister aux festivités. Malgré l'éloignement et le mauvais état de la route, des centaines de personnes s'y sont rendues pour assister à ces activités commémoratives. «Il y a quatre ans, personne ne se rendait dans ce village fantôme. Aujourd'hui, on a l'impression que tout le monde veut y habiter», estime un membre de Tamussni. Le décor et la scène où s'étaient produits les comédiens ont été plantés entre des maisons en ruine, entourées de végétation. La première pièce théâtrale, Sidi Roi, a été présentée par la troupe Tharwa Lassel, du village voisin de Bouassem. Elle relate l'histoire d'un roi mourant qui s'accroche au pouvoir malgré son âge avancé et la dégradation de son état de santé. Après une pause-déjeuner — un couscous — la troupe de l'association Itran, de Takarboust, (Bouira) a pris le relais et enchantz l'assistance par la pièce théâtrale Timest. Cette dernière, tirée du conte kabyle Ahaddad n'lqalus, traite de la liberté, de l'amour et des jeux du palais royal. Lors de cette magnifique journée printanière, le public, qui comptait aussi des femmes, des enfants, a apprécié l'interprétation et le jeu des comédiens. D'aucuns affirment n'avoir jamais vu de comédiens se produire au milieu d'une forêt, avec en fond sonore des gazouillements d'oiseaux et le ruissellement des eaux de la rivière. Outre le rire, certains ont goûté au plaisir de respirer un air pur, loin du brouhaha et du stress de la ville. Les organisateurs, eux, ne comptent pas s'arrêter en si bon chemin. «Ce n'est qu'un début», affirme M. Bechiri, le président de Tamussni. «L'année prochaine, nous comptons réaliser une stèle de Amar Amsah au chef-lieu de la daïra de Naciria. Comme nous pensons à l'organisation d'un minifestival du théâtre en plein air qu'on baptisera Théâtre de la résistance, en hommage à ce héros. Car en plus du devoir de mémoire, nous pensons qu'il est temps de nous réapproprier la forêt, cet espace qui nous a été interdit pendant plus de 15 ans», ajoute-t-il.