Le retour à la table des négociations dans le cadre de ce qu'il est convenu d'appeler le groupe des six est-il encore possible et avec quel ordre du jour ? Personne n'exclut cette reprise, mais il s'est avéré que les données ont fondamentalement changé depuis neuf jours, soit depuis que la Corée du Nord a procédé à son essai nucléaire. En ce sens, les Etats-Unis ont lancé hier une vaste offensive diplomatique auprès des voisins de la Corée du Nord afin de s'assurer une application pleine et entière de la résolution de l'ONU sanctionnant ce pays, après l'apparition de réticences de la Chine. Le négociateur américain en chef sur le nucléaire nord-coréen, Christopher Hill, était attendu hier soir au Japon. Il devait rencontrer son homologue japonais Kenichiro Sasae et se rendre ensuite en Corée du Sud où il participera à une importante réunion tripartite, jeudi. La rencontre de Séoul regroupera la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, le ministre japonais des Affaires étrangères Taro Aso ainsi que son collègue sud-coréen Ban Ki-moon, nouveau secrétaire général de l'ONU. La Russie a, elle aussi, intensifié ses efforts diplomatiques. Le vice-ministre des Affaires étrangères Alexandre Alexeïev, de retour de Pyongyang, était hier à Séoul tandis que le Premier ministre Mikhaïl Fradkov doit s'y rendre aujourd'hui pour une visite de deux jours. La Russie avait compté parmi les opposants, avec la Chine, à une résolution onusienne qui aurait évoqué l'usage de la force contre la Corée du Nord. Le texte adopté samedi ne prévoit pas d'option militaire, mais il n'empêche que l'application de ses sanctions, décidées après l'essai nucléaire annoncé le 9 octobre et qui ont suscité les réticences de Pékin. Le Conseil de sécurité a adopté à l'unanimité une résolution imposant à Pyongyang un embargo sur « les armes et matériels connexes », « les matériels liés à la technologie nucléaire ou à celle des missiles », ainsi que sur « les produits de luxe ». Le texte appelle les Etats membres à assurer ensemble le respect de ces embargos, y compris par « l'inspection de toute cargaison à destination ou en provenance de la Corée du Nord ». Mais « il y a beaucoup de détails à préciser, notamment comment cet embargo et cette interdiction vont fonctionner », a admis dimanche dernier Condoleezza Rice. Le flou Voilà donc comment de nombreuses capitales se payaient tout simplement de mots après le vote dans la nuit de dimanche d'une résolution du Conseil de sécurité sur le nucléaire nord-coréen. A vrai dire, l'instance onusienne s'est affichée comme l'exact reflet du rapport de force actuel au plan international, avec encore une fois, un compromis laborieusement arraché. Mais vraiment le strict minimum. Non pas qu'il faille accabler la Corée du Nord qui a mené, il y a exactement une semaine, un essai nucléaire souterrain, mais plutôt mettre en cause un système international tout simplement injuste. L'Irak, à titre d'exemple, n'avait pas d'ADM (armes de destruction massive), ce qui n'a pas empêché son invasion et sa transformation en champ d'expériences pour tous les concepts et types d'armement. Dans le cas coréen, les principales puissances n'ont plus d'avis tranché, sauf à croire que les Coréens ont bluffé, mais pour d'autres et pour moins que cela, ils se sont retrouvés au ban de la communauté internationale. Mais dimanche, le Conseil de sécurité a frisé l'irraisonnable, tout en mettant en danger ce qui fait l'ONU, sans pour cela tenir compte des règles de procédure. Au final, des sanctions, et quel type de sanctions. Embargo sur les produits de luxe, parce que l'argument est irréfutable cela créerait d'autres problèmes pour la population toujours sous la menace de la famine. Mais tout semble indiquer que comme dans le cas de l'Inde et du Pakistan, c'est encore une fois l'histoire d'un fait accompli, et que c'est la Corée du Nord qui pose ses conditions. Effectivement, tous les regards se tournaient dimanche vers ce pays qui souhaite, selon Moscou, la poursuite des pourparlers internationaux sur ses programmes atomiques suspendus depuis près d'un an. « La partie nord-coréenne est à plusieurs reprises revenue sur le point que le processus à six devrait continuer, qu'elle ne rejette pas les négociations à six et que le but d'une complète dénucléarisation de la péninsule nord-coréenne reste (valable) », a déclaré le vice-ministre russe des Affaires étrangères. Entamés en août 2003, ces pourparlers sont au point mort depuis novembre 2005, Pyongyang exigeant comme préalable à son retour au dialogue la levée des sanctions financières imposées en septembre 2005 par le Trésor américain contre des entités nord-coréennes soupçonnées de blanchiment. Pyong-yang « est prêt à discuter de manière constructive » du moyen de créer une péninsule Coréenne dénucléarisée, a assuré M. Alexiev. Mais il s'est toutefois déclaré « prudemment pessimiste » sur une reprise de ces négociations tant le passé de la Corée du Nord en matière de respect de ses engagements est peu encourageant. Les pourparlers vont très probablement reprendre, mais la question coréenne a donné lieu à une véritable leçon de politique internationale. Entre autres, le fait que Pyang-Yang n'a jamais exclu ce recours, mais elle préférait y aller en position de force.