Comment desserrer un code pénal, aussi serré qu'un nœud mouillé, tout en resserrant les liens de fraternité nationale, aussi distendus qu'une peau de vieille femme aigrie ? Cette question que personne ne se pose, pas même Chaâbane encore endormi à cette heure tardive, a failli faire l'objet d'un débat au sein du ministère de la Justice. D'ailleurs en se réveillant, Chaâbane a acheté un journal, un seul, qui a dit comme tout le monde et répercuté la même information, à savoir que quelques députés, de passage à l'Assemblée, en ont profité pour acheter des bananes et voter quelques lois. En premier lieu, il est désormais autorisé pour les policiers de pratiquer des écoutes téléphoniques sur les citoyens. Chaâbane a haussé les épaules, il n'a pas de téléphone. Mais il pense en prendre un, des fois que Sheila l'appelle. Laïd aussi a haussé les épaules. Comme s'ils n'écoutaient pas avant, a-t-il commenté à voix très basse à son ami venu lui rendre visite. Le deuxième volet de cette loi de révision du code pénal concerne les traîtres, ainsi dénommés par les députés. Est puni de 20 ans de prison minimum, « tout Algérien qui porte les armes contre l'Algérie ». Les islamistes sont-ils pris en compte dans cette mesure ? A première vue, non, elle concerne les autres. Chaâbane n'est pas islamiste, pas même démocrate mais il prendrait bien les armes avec l'aide de l'Amérique. Pour que Sheila revienne, bien sûr. 20 ans, est-ce cher payé pour revoir la femme qu'on aime ? Non. Mais troisième volet de la loi, a averti Laïd, la peine de mort est maintenue. Et là, Chaâbane s'est rappelé un voisin kabyle, qui a participé aux émeutes dans la région. « Ils ne peuvent pas nous tuer, nous sommes déjà morts », avait-il dit, reprenant le célèbre slogan. Chaâbane ne sait pas s'il est mort mais il a faim, un signe peut-être qu'il est vivant. C'est l'heure. Saha ftoro.