Comment tuer le temps ? Cette question qui assaille quotidiennement Chaâbane n'est pas résolue. Et pour cause, il est impossible d'avoir une maîtrise objective du temps pendant le mois où le temps justement est extensible en large et en long, dilaté à l'infini telle une panse d'après-ftour. C'est probablement pour ce particularisme d'ordre philosphique que Chaâbane s'est levé un peu plus tard que d'habitude, vers 13 h. Après avoir méchamment fait remarquer à sa femme Sheila qu'elle a encore grossi, Chaâbane est sorti, sans passer par la case salle de bains. Comment tuer le temps ? Au choix, travailler, construire, créer. Chaâbane pense qu'il travaille trop le reste de l'année, que la construction est inévitablement suivie de destruction et que de toute façon, il n'y a rien à faire, les Américains ont tout créé, comme lui rappelle souvent sa femme. Pour conjurer le sort, Chaâbane est allé voir son ami Laïd, qui pense lui aussi que le temps n'est pas de l'argent mais plutôt une pâte molle qui coule quand il y a un plan incliné. A deux, ils pourront plus facilement arriver à leurs fins, étant entendu que le but est d'assassiner le temps. Laïd a soumis une problématique à Chaâbane, celle de comprendre avant la fin du Ramadhan pourquoi le pays ne fonctionne pas. Il y a de l'argent, de la terre, de l'eau, du pétrole et du savoir-faire. Pourquoi alors ? Chaâbane a émis l'hypothèse d'un pouvoir mafieux, qui n'est là que pour ses propres intérêts, qui mange le jour ce que les autres ont produit la veille, dans un s'hour de Ramadhan gigantesque. Laïd n'a rien pu trouver pour contrer l'hypothèse, arguant simplement qu'ils pouvaient être sur écoute. Ce qui a produit comme effet de faire taire Chaâbane. Ce qui a eu pour conséquence un long silence. C'est ainsi qu'au pays des muets, comme écrirait Benchicou, le silence a duré plus d'une heure. Mais avec un point positif, il est déjà 18h 34. Juste le temps pour Chaâbane de rentrer chez lui. Saha ftoro.