Le jean se décline, aujourd'hui, sous toutes ses coutures. Les créateurs et les stylistes se demandent quelle est la chose qui n'a pas été inventée. Le jean semble avoir tout livré et tout essayé sur un territoire limité, dont une toile denim, cinq poches et deux jambes. Le marché est saturé avec de nouvelles marques qui apparaissent chaque saison, emphase du discours marketing qui transforme « un stone washed en pièce artisanale, hyperspécialisation géographique (le brut indigo au Japon, le brodé décoré à LA, le skinny foncé en Europe du Nord), promesses dignes de la cosmétique. Il y en a pour tous les goûts et toutes les bourses ». Plus de 224 000 jeans toutes gammes confondues ont été vendus en 2005 France. Après avoir connu une crise de ses marques traditionnelles dans les années 1990, le jean réussit aujourd'hui la délicate prouesse d'être « en empathie avec la mode ». Un peu en marge mais tellement en phase. « L'évolution la plus flagrante ces cinq dernières années, c'est surtout l'apparition de marques ultrachères », affirme une spécialiste des tendances de consommation chez les early adopters. « On atteint les 300 euros, pas pour des modèles signés Dior ou Chanel, mais True Religion, Victoria Beckham's Rock'n'Republic ou Earnest Sewn. Des labels pointus ou ultramarketés, dont les prix frôlent l'indécence quand on sait qu'un jean leur coûte souvent, au maximum, 20 dollars. » Selon la fédération des producteurs et importateurs de coton américains Cotton Incorporated, ces marques de denim haut de gamme représentent seulement 3% du marché global, mais connaissent une croissance record de 138% ces dernières années. Avec, pour fait de guerre majeure, de « parvenir de plus en plus à remplacer la petite robe noire en tant que produit mode facile à porter en toutes circonstances », relatait en fin d'année dernière un rapport de la Cotton Inc. Pendant que les fabricants augmentent leur prix, se creusent la tête pour améliorer leurs lavages, ajoutent une poche pour le rouge à lèvres, travaillent avec des créateurs de renom ou placent leur produit sur le corps d'une star, la problématique reste la même côté consommateur. Du Denim Bar de Barney's à New York au Topshop de Londres ou au H&M des Halles à Paris, les clients continuent de chercher le bon jean. Celui qui sublimera leur silhouette, leur donnera un style, une allure. Avec, pour étalon, quatre éléments : coupe, toile, finitions et tendance. Car rien n'est jamais plus beau qu'un jean repéré sur un(e) autre, ni plus décevant que le même sur soi. « Question de morphologie, rétorque Jean Touitou, créateur et fondateur d'APC. Pour un client qui se présente chez nous, puisque nous avons sept patronages différents, une fois sur sept le jean tombe bien ». Une loterie où on ne gagne pas à tous les coups. D'autres paramètres, plus personnels, entrent également en ligne de compte : la beauté de la toile, le style, les marques qui ont le vent en poupe (après Levi's, Diesel, maintenant Acne) et tout l'affect que contient ce bon kilo de coton plus ou moins usé. L'anglais Superfine s'est ainsi fait un nom sur une réputation : celle d'être le slim des top-modeles, en particulier celui de Kate Moss. R. M.