Des associations militent pour que le haïk ne tombe pas dans l'oubli. Des activistes de la société civile et des chercheurs dans le patrimoine algérien intensifient les appels à l'effet de rétablir l'identité algérienne du haïk, le reconnaître comme patrimoine vestimentaire national et, pourquoi pas, labelliser cet habit traditionnel, avant qu'il ne tombe définitivement en désuétude. Plusieurs associations multiplient les manifestations, notamment à Alger, visant à mettre à l'honneur ce symbole, à la fois, de pudeur et d'élégance féminine et à le promouvoir auprès des générations montantes comme élément de l'identité nationale authentique, mais aussi comme un facteur de promotion touristique de la ville d'Alger. Pour Boualem Belachhab, directeur du palais des Rias et conservateur du patrimoine, le haïk est étroitement lié à la vie citadine. Dans l'ancienne cité, la femme avait tendance à porter cette longue étoffe blanche en laine fine, en lin ou en fils de soie pour se couvrir contre les regards étrangers et pour préserver sa blancheur du soleil. Mais ce morceau d'étoffe ne servait pas qu'à couvrir le corps de la femme. Cet effet vestimentaire, poursuivra M. Belachehab, a été un facteur d'union et d'unité, en ce sens que le haïk masquait les différences régionales des habitants de La Casbah. Nombreux ignorent que des migrants européens, d'Espagne et de Malte notamment, qui vécurent à La Casbah s'étaient pleinement intégrés dans son contexte social et avaient adopté ses règles et ses usages, étaye le chercheur. Réfutant les thèses selon lesquelles le haïk aurait été introduit en Algérie par les Turcs, ou encore celles prêtant cet habit aux migrants venus d'Andalousie après la chute de Grenade, Boualem Belachehab atteste qu'il est algérien à cent pour cent. La présidente de l'association Chabab, Mawahib wa Afak, Djamila Douaghi, à la tête de l'initiative H'mamet Dzaïr (les Colombes d'Alger) n'a pas caché, quant à elle, son inquiétude face au délaissement du haïk par les générations actuelles. «Plusieurs de nos jeunes ignorent tout de cet effet vestimentaire. A l'occasion de nos sorties en haïk, lors des manifestations visant à le réhabiliter, nous avons pris conscience d'une triste réalité : ce voile propre à la femme algérienne était en train de tomber dans l'oubli et en désuétude», regrette-t-elle. Alger aux sept portes (de Bab Jdid à Sidi Ramdane) était une ville prospère et très fréquentée. Dans cette citée, ce voile blanc avait un aspect pratique non négligeable. A l'époque, non seulement il préservait le corps de la femme des regards indiscrets, mais il lui permettait de cacher également les bijoux qu'elle portait, éloignant de son chemin esprits malintentionnés et autre mauvais œil. Tissé en fils de soie pure, cet accoutrement permettait aux femmes de la bourgeoisie de se démarquer. Il dénote ainsi ce comportement social civilisé ayant prévalu à Alger, Tlemcen, Oran et Constantine. Il n'existe pas d'études scientifiques à même d'attester que le haïk est natif d'Alger, mais il est certain qu'il constitue un repère structurant de la ville dont il a très longtemps sublimé le décor qu'il a embelli de son blanc immaculé. Pour Mme Douaghi, la différence entre le haïk de Tlemcen, d'Alger et des autres villes réside dans la manière dont les femmes le portaient et par certains accessoires propres à chaque localité (aâdjar, voilette du visage, dans l'Algérois par exemple).